Choix n La fête de fin d'année est différemment vécue. Il y a ceux qui pensent que c'est illicite, contraire aux préceptes de la religion musulmane alors que d'autres s'en sont donnés à cœur joie. L'ambiance générale dans les quartiers est plutôt morose. Deux hommes, au milieu d'un groupe, se disputent devant le café des Amis à la place Ketchaoua (Basse-Casbah). Le plus âgé des deux soutient que l'ESS surclassera la JSK pour le restant du championnat. L'autre assure tout à fait le contraire. Devant la stérilité de cet échange de propos, on change de sujet. On change même de ton. Celui-ci devient plus sérieux. «On dit que vous avez fêté Noël, en Petite Kabylie, avec du champagne et du porc. Vous feriez mieux d'enlever le croissant de vos minarets et d'y placer une croix», s'emporte le fan de l'ES Sétif qui se dit vrai enfant de la Casbah d'Alger. L'assistance approuve en silence. Le supporter de la JS Kabylie réplique : «Que Dieu te ramène sur le bon chemin ! Je suis sûr que tu t'es procuré une bûche de Noël à 800 DA !» L'assistance approuve, en ricanant. Acculé, le «vrai enfant de la Casbah» se défend : «Je vous jure que ce n'est pas vrai !» Pour l'enfoncer, son rival ajoute : «Moi, je préfère le couscous et un poulet à l'occasion de Yennayer.» Comme on le voit, se procurer une bûche de Noël, c'est se couvrir de honte en public. En tout cas, c'est l'ambiance générale dans ce quartier populaire de la ville d'Alger. Ailleurs c'est certainement différent, du moins à la rue Didouche-Mourad où la veille la tension était montée d'un cran. Devant une chocolaterie réputée, une foule d'hommes, de femmes et d'enfants s'agglutinait à partir de midi dans l'attente d'être servie. A 15h, la foule était toujours là. Non sans faire l'objet de pires insultes : «Chiens !», «Mécréants !», «Affamés !», «Analphabètes !…» Tout passe. Ces amoureux de la bûche recevaient ces crachats comme les sépultures de Satan reçoivent les cailloux des hadjis dans les Lieux saints. Ils étaient là, traités de «chiens» par des hommes qui donnaient à des femmes voilées et intimidées des cours dans «l'histoire de la bûche de Noël». En contrebas de la rue Didouche se trouve la grouillante rue Ferhat-Boussaâd (Ex-Meissonier). Ici, les femmes se bousculent devant les commerçants et les trabendistes des confiseries. C'est évident : on préfère préparer le «tronc d'arbre» chez soi. Il suffit d'entendre les bavardages pour le conclure. Au même moment, d'autres femmes et hommes s'arrachent les bûches, à 500 DA l'unité, dans une pâtisserie, rue Ferroukhi (ex-Richelieu), toujours au centre-ville. Les clients donnent l'impression d'être gênés, par les commentaires déplacés, une fois dans la rue. Sentant cette ambiance générale qui ne favorise pas les fanfaronnades, les devantures des magasins de luxe surtout, étaient rares à se risquer à formuler des vœux : «Bonne année 2008 !» est un écriteau presque invisible en ce 31 décembre.