Contribution n M. Djemouaï est sous-directeur de la coopération internationale, Point Focal National de la Convention sur les Changements Climatiques et du Protocole de Kyoto et membre représentant de l'Afrique au conseil exécutif mondial du marché du carbone, représentant l'Afrique. InfoSoir : C'est quoi le marché du carbone ? M. Djemouaï : Le marché du carbone est l'équivalent du marché du pétrole. Si le second consiste en des échanges en barils de pétrole, dans le premier, ce sont des échanges commerciaux de tonnes équivalentes de CO2. Il consiste en des échanges commerciaux de certificats d'émissions de GES quantifiées (réduites ou évitées) dans le cadre des mécanismes de flexibilité mis en place par le Protocole de Kyoto et en ce qui concerne les pays en développement, ce sont les projets de Mécanismes de développement propre (MDP) qui sont concernés. Comment a-t-il été créé ? Trois mécanismes de flexibilité ont créé le marché du carbone. Ils ont été identifiés et définis dans le Protocole de Kyoto pour permettre aux pays développés – entre eux ou avec l'aide des pays en développement – d'accomplir les efforts de réduction des GES. En ce qui concerne l'Algérie, ce sont les MDP qui sont en jeu en plus des mécanismes de mise en œuvre conjointe (Pays développés avec les pays dont l'économie est en transition, communément appelés pays de l'Est) ; et les échanges d'émissions entre pays développés (achats – ventes). Ces mécanismes sont concrétisés à travers la réalisation de projets MDP qui, une fois réalisés, permettent l'atténuation des GES. Les pays en développement peuvent ainsi bénéficier d'investissements partiels supplémentaires dans la réalisation de leurs projets MDP, directement liés aux réductions des émissions des GES, mais aussi d'acquisition de savoir-faire et de nouvelles technologies qui peuvent leur être transférées pour les nécessités des projets. Comment sont opérés les échanges de carbone et autres gaz à effet de serre ? Les pays, partie du Protocole de Kyoto, ont convenu ensemble de la nature des ventes-achats de crédits carbone, à travers la mise en place de modalités et procédures bien claires et définies dans ce cadre. Ainsi, le carbone est échangé sous forme de «Certificats de réduction d'émissions». La réalisation d'un projet MDP permet de générer des réductions de GES qui sont vérifiées et validées par des entités internationales, dans des rapports d'expertise, qui, ensuite, seront transmis, requérant l'émission des crédits, au Conseil exécutif du marché du carbone, qui se trouve au niveau du secrétariat de la convention sur les changements climatiques, à Bonn en Allemagne. Ce conseil examine la requête d'émission des crédits et émet le certificat pour la quantité requise. Ainsi, le promoteur du projet (gouvernement ou privé avec ses partenaires), obtient un certificat pour une quantité de carbone qu'il peut échanger ou vendre. Ceci, bien sûr après une première phase qui consiste en l'enregistrement du projet auprès du Conseil exécutif du MDP du marché carbone. En quoi l'Algérie est concernée par ce marché ? Je voudrais signaler que dans l'un des 6 scénarios d'émission établis par le rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), le scénario le plus catastrophique (soit l'atteinte de 6°C d'augmentation des températures d'ici à l'an 2100) est celui qui parle des émissions causées par la production et la consommation des hydrocarbures. Alors non seulement nous sommes concernés et impliqués, mais nous avons des éléments à faire valoir. Par exemple ? Il faudrait beaucoup travailler sur la nécessité d'acquérir plus de savoir-faire et de transferts de technologies dans les domaines des hydrocarbures et plus particulièrement le gaz naturel comme carburant le plus propre. Ce qui permettra une préparation de l'Algérie pour le cas d'un nouveau traité sur le climat qui devrait voir le jour et appellerait les pays à stabiliser leurs émissions de GES. L'énergie solaire – qui est illimitée – est aussi importante même si le pourcentage de son utilisation reste assez limité et l'accès aux nouvelles technologies plus performantes, plus difficile. Il est venu le moment d'avoir une industrie de production solaire en Algérie qui est un axe très stratégique pour l'avenir énergétique de notre pays. L'Algérie, un marché potentiel ? L'Algérie a été sollicitée par plusieurs pays pour l'achat de son carbone, à travers des projets MDP qui, pour le moment, n'en sont qu'au stade d'idées seulement. Cet enjeu est de taille en Algérie. Nous pouvons faire profiter nos entreprises publiques et privées de ce marché d'une part et nous aurions accompli nos engagements vis-à-vis de la convention et du protocole de Kyoto. Mais ce qui urge aujourd'hui c'est de mettre en place ce dispositif correctement et de faire un grand travail avec nos entreprises qui veulent être impliquées dans ce marché. Des propositions ? C'est déjà bien de se positionner dans ce processus et de préparer les éventuelles modifications et changements futurs dans ce processus du point de vue politique, économique, social, naturel et environnemental. Nous devrons faire beaucoup d'efforts pour s'occuper du processus des changements climatiques mais pour le moment nous manquons de possibilités de développement de ces efforts malgré les potentialités que nous avons. Ce ne sont plus les éléments scientifiques et techniques qui sont l'objet de négociations, mais plutôt les aspects politico-économiques. Et là, un grand travail doit être fait par l'Algérie. Qu'est ce qui se fait concrètement chez nous ? Des initiatives sont en train d'être mises en place pour définir et asseoir une stratégie nationale en matière de projets de mécanismes de développement propre (MDP). Au niveau national, il existe un relais au conseil exécutif mondial du marché carbone, comme pour tout pays ayant accepté de se lancer dans ce processus nommé Autorité nationale désignée du MDP qui se charge de réguler et d'approuver les projets MDP au niveau national. Comment aller de l'avant avec ce processus ? Il faut faire un appel au secteur public et privé pour développer des projets MDP bénéfiques et profitables au niveau social, environnemental et économique pour un développement durable dans les domaines de l'industrie énergétique (renouvelable et non renouvelable), les transports, l'agriculture, les déchets, les industries, les industries chimiques, l'efficacité énergétique, l'habitat et la construction. Par ailleurs, les secteurs comme les forêts et l'utilisation et affectation des terres sont aussi très porteurs, mais demandent plus d'efforts dans les aspects méthodologiques de la conception des projets.