Scène n Oubliez Hirostrat a été présentée, mardi, mercredi et jeudi, au théâtre national. Produite par le théâtre national dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe», écrite par Grigorie Gorine, adaptée et mise en scène par Haïdar Hassan, la pièce ramène le public à l'Antiquité, en Grèce, en l'an 356 avant l'ère chrétienne. C'est l'histoire de Hirostrat, un jeune commerçant, qui a mis le feu dans un temple. Hirostrat est arrêté et jeté en prison, les dirigeants politiques instituent un décret où il est formellement interdit aux citoyens de toute la Grèce de citer ou d'évoquer son nom dans les lieux publics. La pièce pose la problématique de la mémoire : l'autorité politique ou religieuse peut-elle contrôler la mémoire ? Car même si le décret est appliqué, le nom de Hirostrat est évoqué, murmuré. Dans sa geôle, Hirostrat parvient à écrire ses mémoires ; et, à l'aide, voire avec la complicité de son geôlier et d'un marchand motivé par le gain, il arrive à en faire des copies et les vendre à ceux qui veulent connaître son histoire. Même les dirigeants politiques, les rois et les princes de toute la Grèce, s'en sont procuré des copies. Alors ce nom qui dérange et que, d'un côté, les religieux voulaient bannir ou les politiques, d'un autre, voulaient oublier, trotte manifestement dans la mémoire collective. Cela revient à dire que nul ne peut agir sur la mémoire. L'Histoire a toujours raison du temps, de l'homme. La pièce s'organise comme un dialogue entre les protagonistes et le narrateur, un rôle endossé par le metteur en scène. Le rideau se lève sur le narrateur qui raconte l'histoire de Hirostrat ; puis, et à des moments de la pièce, il intervient pour entamer une discussion avec chacun des protagonistes. Ainsi, la représentation scénique s'articule autour de la dialectique entre le présent et le passé. La pièce se déroule dans une scénographie homogène qui, elle, s'organise à trois niveaux. Un seul décor (des colonnades placées tout autour de la scène, et au milieu une sorte de plateforme de configuration circulaire, sous forme de croissant lunaire) pour trois lieux : la cour, le tribunal, le cachot. Cette composition spatiale rend l'action scénique aérée et pertinente. La fonctionnalité de la lumière ponctue l'unité scénique et inscrit le jeu dans une représentation métaphorique. La pièce s'organise comme une topographie de conflits. Il s'agit d'un jeu de confrontation et d'adversité. Tous les protagonistes se révèlent des antagonistes. Il n'y a pas, de surcroît, de héros qui est remplacé par l'individu. Tous sont semblables. Le mythe du héros y est alors dissout. S'agissant du jeu, il s'avère manifestement approprié, juste et distinctif. C'était une belle performance scénique. Chacun des comédiens et chacune des comédiennes se sont distingués par un jeu consistant, fort relevé, un jeu développé, ayant tout simplement du caractère. Même l'interprétation langagière – le dialogue est dit en arabe classique – s'est révélée d'une beauté saisissante. Il y a une maîtrise de l'attitude et de la tonalité verbale ; le ton est précis et l'intonation est naturelle. Oubliez Hirostrat était un beau spectacle, une belle représentation théâtrale.