Déception n L'augmentation des salaires, qui devrait entrer en vigueur dès la fin de ce mois, n'aura aucune incidence sur le pouvoir d'achat des travailleurs. La colère manifestée par les centaines de milliers d'employés est l'expression de leur refus d'être «candidats à la mendicité ou à d'autres activités classées dans les registre de la criminalité», pour reprendre l'expression d'un syndicaliste. Il faut reconnaître qu'un fonctionnaire en Algérie, avec son maigre salaire, est incapable de faire face à toutes les dépenses notamment avec la hausse vertigineuse des prix de pratiquement l'ensemble des produits de première nécessité. La réponse d'un travailleur, interrogé sur la manière avec laquelle il mène sa vie, fait froid dans le dos. «Si cette situation perdure, nos villes et villages seront envahis de mendiants et de malfaiteurs. Mais qui agressera donc l'autre ? Sincèrement, un employé est aujourd'hui au bord de la dépression», résume Abdelkrim, cadre moyen dans une administration publique. Comment arrive-t-il quand même à survivre ? La réponse de notre interlocuteur est toute simple : «C'est grâce à la gentillesse de mon voisin épicier que je sauvegarde ma dignité. Il m'accorde des crédits et à la fin du mois, je paye ce dont je suis capable en attendant, bien évidemment, de pouvoir régler mes comptes définitivement. Mais quand cela me sera-t-il possible ?» Si Abdelkrim ne possède aucun autre moyen d'arrondir ses fins de mois, d'autres fonctionnaires, en revanche, optent pour d'autres manières, leur permettant de ne demander l'aide de personne. Mokrane, un enseignant de langue française dans un CEM à Birtouta, vend des chaussettes, maillots de corps et autres sous-vêtements les lundi et jeudi après-midi ainsi que le vendredi au marché de Blida. «Allah ghaleb, je suis contraint de faire dans le commerce informel pour pouvoir faire face aux multiples dépenses de ma famille. Ma femme, mes quatre enfants ainsi que mes parents malades. Je dois aussi payer le loyer, les factures d'électricité, de gaz et d'eau… Croyez-moi, mon salaire ne peut couvrir que les dépenses d'une semaine», explique-t-il. Durant les vacances scolaires, Mokrane opte pour un autre «métier», celui de peintre. La notion du repos durant les week-ends et les congés annuels est ainsi abandonnée par des milliers de travailleurs qui se trouvent, malgré eux, contraints de concurrencer les chômeurs exerçant dans le commerce informel ou les travaux de bâtiment. L'augmentation des salaires ne réglera pas ce problème, puisqu'elle n'aura aucune incidence sur le pouvoir d'achat. Le plus, qu'apportera cette augmentation, sera englouti par les prix des produits de première nécessité. Décidément, le sort des travailleurs bouge pour ne pas quitter sa place !