Image Cessera-t-on un jour de diaboliser le détenu et de lui compliquer les choses ? Incarcérés pour meurtres, viols, vols, agressions, recels et toute forme de vices prohibés par la loi et la morale, des prisonniers algériens, ceux-là mêmes dont la seule évocation dilate les pupilles, vont faire mieux que de croupir en taule. lIs bénéficieront désormais d'une politique de réinsertion qui, en théorie, devra leur permettre d'être plus utiles, en apprenant métier et savoir-faire. Les retombées immédiates de cette nouvelle politique seraient bénéfiques à une société dont la réaction humainement légitime face à un prisonnier est dédain et peur. Elles le seront davantage pour ces taulards qui devraient être heureux d'avoir découvert, enfin, des vertus enfouies qu'ils n'ont jamais su fructifier quand ils étaient libres parmi les leurs. Demain, des produits de large consommation, des ustensiles de cuisine, des balais, des articles scolaires... atterriront dans nos maisons avec la «honteuse» estampille de «Made in El-Harrach» ou «Made in Serkadji» et là, on se rendra, rapidement, à l'évidence qu'un prisonnier, qui coûte trop cher au contribuable, peut faire autre chose que tuer, violer, voler ou agresser avec un cran d'arrêt. Autre chose de moins diabolique et de plus humain, moins répugnante et plus civilisée qui lui donnerait des «circonstances atténuantes» d'avoir agi sous l'effet d'une sécrétion trop abondante d'adrénaline que le juge, juché sur son fauteuil de redresseur de torts, ne prend que très rarement en considération. Mais va-t-on réellement redresser de la sorte les torts d'une société où les germes des infanticides, parricides, des agressions caractérisées sont honteusement enracinés et où le fait de déambuler en groupe, canifs acérés et neurones calcinés par le kif, est devenu une mode ? Et que vaut réellement une réinsertion de récidivistes qui ne sortent, l'heure d'une grâce qui leur tombe du ciel, que pour aller en voleurs effrontés détrousser de paisibles citoyens, agresser des amoureux perchés sur une crique au bord de la mer et esquisser enfin un rire en coin lorsque le juge leur donne, à coups de maillet, le plaisir d'aller passer l'hiver au «chaud» et attendre chaque semaine, au parloir, le couffin de la famille, plein de provisions, cigarettes et boîtes de tabac à chiquer en bonus ? Le jour où ces mêmes prisonniers sauront saisir la portée d'un meuble, d'un tabouret ou d?un porte-monnaie qu?eux-mêmes auront fabriqués avec le temps et la patience, ce jour-là, on cessera de diaboliser les prisonniers et on applaudira leur réinsertion.