Dans une tribu reculée, il y a fort longtemps vivaient un homme et une femme qui n'avaient pas d'enfant. La femme se désolait et priait, mais son ventre demeurait stérile. Un jour, elle dit en trayant sa vache : — O Mon Dieu ! Comme j'aimerais avoir une fille à la peau aussi blanche que ce lait ! Neuf mois plus tard, elle mit au monde une fille à la peau blanche et lumineuse. Elle l'appela : Fibule d'Argent. Et de crainte qu'on ne lui jetât un sort ou qu'elle fût victime du mauvais œil, elle ne la montra à personne. Elle se disait en elle-même : — Je ne la montrerai à personne et plus tard je n'accorderai sa main à aucun prétendant. Je garderai toujours ma fille près de moi. Le temps passa et la fillette grandit, de jour en jour plus belle. Elle devint éblouissante, illuminant tout autour d'elle. Un matin, une voisine souleva le pan de la tente et entra sans s'annoncer. En découvrant Fibule d'Argent, elle s'exclama : — Dieu que ta fille est belle ! Accorde-moi sa main pour mon fils. En entendant ces mots la mère eut un choc et mourut. Voilà comment Fibule d'Argent devint orpheline. Et le temps passa : vient un jour et part un jour, vient un jour et part un jour... Le père se remaria. Sa femme était d'une grande beauté et avait, elle aussi, une fille du même âge que Fibule d'Argent. En découvrant l'éclat et la splendeur se sa belle-fille, elle éprouva une grande jalousie. Un matin, elle la barbouilla de boue et la poussa sous les guerbas suspendues à des trépieds au fond de la tente. Ensuite, elle se para, sortit et s'adressa au soleil : — Soleil ! O soleil ! Tu es beau et je suis belle. Dis-moi : de nous deux, qui est le plus beau ? Le soleil répondit : — Tu es belle et je suis beau, mais celle qui se trouve sous les guerbas dans la boue est encore plus belle que nous. Le lendemain, elle l'enduisit de suie et l'aspergea de cendre avant de la pousser près du kanoun. Elle se para, sortit et s'adressa au soleil : — Soleil ! O soleil ! Tu es beau et je suis belle. Dis-moi : de nous deux, qui est le plus beau ? Le soleil répondit : — Tu es belle et je suis beau, mais celle qui se trouve dans la cendre près du kanoun, est encore plus belle que nous. Depuis, elle se répéta sans cesse : — Elle va me rendre folle si elle reste sous la même khaïma que moi. Un jour, elle dit d'une voix doucereuse : — Fibule d'Argent ! Nous allons tisser un burnous à ton père. Comme il est grand et fort, il lui faut un large burnous pour se rendre à la djemaâ, la réunion des sages. Il te faut filer beaucoup de laine. Fière de participer à la réalisation du burnous pour son père, la fillette fila tant qu'elle réalisa une très grosse pelote. Sa belle-mère lui ordonna alors : — Prends la pelote et déroule-la pendant que je tiendrai l'extrémité du fil. Nous allons en mesurer la longueur. Tu sais que ton père est grand, ton père est fort, il lui faut un large burnous pour se rendre à la djemaâ. Déroule, déroule la pelote et va, va ! Lorsque je tirerai à mon tour, tu pourras revenir. Fibule d'Argent recula tout en déroulant la pelote et peu à peu elle s'éloigna. De temps en temps elle appelait : — Oh ! Ma mère ! Dois-je cesser de tirer ? — Non ! Non ! Continue ! Va ! Ton père est grand, ton père est fort, il lui faut un grand burnous pour se rendre à la djemaâ, répondait toujours la marâtre. (à suivre...)