Rencontrée à Alger, samedi, à son retour du troisième round de négociations, la délégation sahraouie a bien voulu répondre à nos questions. M'hamed Khedad, membre de cette délégation, revient dans cet entretien sur les raisons du blocage et estime qu'à travers ces discussions, on s'achemine vers une mort lente du projet marocain d'autonomie, du fait que celui-ci est illégal et ne répond pas à l'esprit de la résolution du Conseil de sécurité. InfoSoir : Quel bilan faites-vous du troisième round de négociations ? M'hamed Khedad : Le troisième round de négociations de Manhasset qui a réuni les délégations des deux parties au conflit, le Front Polisario et le royaume du Maroc, autour de Van Walsum, l'envoyé personnel du SG des Nations unies, a été l'occasion de discuter de certains points, mais tout d'abord la mise en application des résolutions 1754 et 1783 dont l'objectif est de trouver une solution mutuellement acceptable qui garantirait l'autodétermination du Sahara occidental. Bien sûr, les positions sont très éloignées parce que le Maroc continue d'estimer que la seule solution qui vaille pour lui, c'est l'autonomie, ce qui est, en fin de compte, une lecture biaisée et sélective des deux résolutions. Celles-ci appellent à une solution garantissant l'autodétermination du Sahara occidental, alors que le Maroc tranche unilatéralement sur le sort du territoire et de la population en disant que c'est un territoire marocain alors que pour la communauté internationale et le Conseil de sécurité, le problème de fond est la souveraineté sur ce territoire, laquelle souveraineté ne peut être tranchée, comme le stipulent les deux résolutions, qu'à travers une consultation de la population, un référendum d'autodétermination, et qui dit autodétermination dit plusieurs options. Le Maroc a continué à camper sur ses positions et nous, nous avons défendu l'application de l'esprit de la résolution qui appelle à une solution garantissant l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Dans ce cadre, nous avons approfondi les débats sur notre proposition remise au SG de l'ONU le 10 avril dernier qui parle d'un référendum d'autodétermination avec trois options : indépendance, autonomie et intégration. Mais les positions étaient très éloignées sur ce point de l'ordre du jour qui était fondamental. Dans votre proposition d'avril dernier, il était également question d'une proposition d'autonomie, en quoi celle-ci diffère-t-elle du projet marocain ? Pour nous, l'autonomie est juste une option. Nous la prenons en charge alors que le Maroc a continué à se retrancher dans sa position qui est de dire : j'y suis j'y reste, il n'y a que l'autonomie qui vaille. Nous avons dit que notre proposition prend en charge la vôtre, dans la mesure où nous appelons à une solution démocratique à travers un référendum d'autodétermination et que parmi les options qui seront soumises au vote, il y aura l'autonomie. Celle-ci sera prise en considération après, dans notre perspective, si la population vote en faveur de celle-ci. Le contenu de cette autonomie devra être négocié plus tard. Van Walsum parlait à la clôture du troisième round de négociations de «divergences sur les questions fondamentales». De quoi s'agit-il plus concrètement ? C'est l'application des résolutions 1754 et 1783. Nous avons dit que la finalité de ces résolutions, comme clairement exprimé dans les textes de ces mêmes résolutions, c'est l'autodétermination. Alors que le plan marocain ne peut pas permettre cette autodétermination, il offre une seule option et le Maroc, dans ce cas, s'arroge le droit de décider de ces territoires, alors que, nous, nous avons développé notre plan qui a pour finalité d'organiser un référendum d'autodétermination avec trois options. C'est ce qui a amené Walsum à dire qu'il y a des divergences très importantes sur le comment appliquer les résolutions citées plus haut, comme celles des mesures de confiance. Malheureusement, le Maroc ne veut pas entendre parler de ces mesures. Donc finalement, à l'heure actuelle, il n'y a pas eu de véritables négociations ? Le blocage vient du fait que pour le Conseil de sécurité, la résolution est claire, elle prend en charge les deux propositions donc la discussion doit se faire sur cette base, alors que le Maroc continue de dire que la seule solution qui vaille c'est son plan. C'est ce qui fait le blocage. Nous continuons la négociation parce qu'il y a un intérêt de la communauté internationale et du Conseil de sécurité. Nous venons d'avoir un troisième round. D'ici à moins d'un mois, il y aura la visite de l'envoyé spécial du SG dans la région. Trente jours après, il y aura un quatrième round de négociations, c'est donc la recherche d'une solution. Ce n'est pas parce que le Maroc bloque que nous devons refuser la négociation. Et pourtant la résolution 1754 prend note de la proposition marocaine... C'est vrai qu'il y a une ambiguïté dans la mesure où les deux propositions sont contradictoires. Mais le Conseil de sécurité précise aussi que la finalité, c'est l'autodétermination. Et donc par déduction, le projet marocain n'a plus sa place. Le projet d'autonomie marocain n'ouvre qu'une seule perspective, c'est de l'autonomie. C'est le sort du territoire qui est décidé avant même les négociations. Dans le fond, le projet marocain veut dire que le Maroc s'arroge le droit de décider unilatéralement du sort des territoires alors que le cœur de la négociation est de décider du sort du territoire. A quel moment la partie sahraouie pourra-t-elle décider de quitter les négociations ? Quand on se rendra compte que le médiateur qui est les Nations unies ne veut pas ou essaye de dévier du chemin allant vers l'application des résolutions 1754 et 1783, dont la finalité est l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Ce sera, à ce moment-là, un élément annonciateur pour assumer nos responsabilités. Mais nous sommes tenus de faire une présentation des résultats de Manhasset à la direction du Front Polisario, qui décidera du chemin à suivre. * Membre de la délégation sahraouie pour les négociations de Manhasset.