La tête du bon roi Henri IV, le «Vert Galant» aurait été vendue aux enchères à l'hôtel Drouot, mais sans garantie d'authenticité. C'est une longue histoire qui remonte... non pas à 1610, date de la mort du bon roi, mais à 1793, en pleine tourmente révolutionnaire. C'est le moment où le «bon» peuple accuse de tous les maux les Bourbons, les Capétiens, les Valois qui ont fait la France. Le 13 juillet 1793, sous la présidence de Danton et sur une proposition de Barère, pour fêter le premier anniversaire de la journée du 10 août, la chute du trône, on décide de détruire les tombeaux des anciens rois. Comment les punir a posteriori, en effet, sinon en allant démolir leurs tombes et en profanant leurs corps dans la basilique de Saint-Denis ? C'est ce qui est fait, les gisants sont mutilés, les tombeaux sont ouverts et les corps extraits des cercueils pour pouvoir mieux les insulter. Les premiers coups de pioche furent donnés le 6 août 1793, et le premier tombeau profané fut celui de Dagobert. Mais on n'ouvrit pas le cercueil. On attendit les journées d'octobre pour le faire. Après Dagobert, on passa à Clovis II, puis à Charles Martel. Les cercueils qui furent ouverts ne livrèrent rien d'intéressant, à part des ossements et des cendres. Seul celui de Constance de Castille permit de récupérer une bague d'argent, qui est aujourd'hui à la Bibliothèque nationale. Un témoin du temps raconte : «On profana les tombeaux de vingt-cinq rois et ceux de dix-sept reines, ainsi que ceux de soixante et onze princes et princesses, sans oublier Suger, le conseiller de Louis VI, celui qui fit construire la basilique. Même Du Guesclin, le parfait chevalier, ne fut pas épargné. Il alla rejoindre en vrac toute la noblesse de France dans une fosse remplie de chaux vive... après qu'on lui eut, comme à Turenne, enlevé quelques dents qui furent vendues comme souvenirs aux portes mêmes de l'Abbaye.» Heureusement, Alexandre Lenoir, qui allait bientôt créer son musée des Monuments français, parvint à sauver la majorité des statues de la destruction, à part le Charles VIII de bronze, qui fut fondu. Au mois d'octobre, on décida de s'attaquer aux Bourbons. En ouvrant la tombe d'Henri IV, on fut considérablement étonné parce que le corps du bon roi était dans un état de conservation remarquable malgré cent quatre-vingt-trois ans de sépulture. Du coup, on eut l'idée de le mettre debout le long d'un pilier afin que chacun puisse venir le contempler... Un soldat, d'un coup de sabre, lui coupa une partie de la barbe en s'écriant : «Je n'aurai désormais d'autre moustache. Maintenant je suis sûr de vaincre les ennemis de la France, et je marche à la victoire.» Un autre soldat, sculpteur dans le civil, exécuta un moulage de la fameuse tête. Des amateurs de souvenirs s'empressèrent alors de s'emparer de deux dents du «Vert Galant», de ses moustaches et d'une manche de sa chemise. Louis XIII était, lui aussi, très reconnaissable, grâce à sa moustache noire et fine. Louis XIV, lui, était tout noir. Le corps, au moment où on allait le sortir de son cercueil, eut comme un geste menaçant du bras qui effraya les curieux. Le cercueil contenait une plaque commémorative avec les armes de France et de Navarre. Cette plaque fut récupérée par un chaudronnier qui en fit... un fond de casserole ! La casserole fut perdue, puis retrouvée et la plaque finit par aboutir au musée de Cluny. Tous les Bourbons connurent le même sort, jusqu'à Louis XV qui répandit une odeur si infecte qu'on dut tirer des coups de fusil pour assainir l'atmosphère selon certains témoins. Alexandre Lenoir, au contraire, précise que le «Bien-Aimé» avait la peau blanche, le nez violet et les fesses rouges. Un vrai drapeau tricolore ! Au même moment, Marie-Antoinette montait à son tour sur l'échafaud (à suivre...)