InfoSoir : Qui accueillez-vous au juste ? Hanifa Benghanem : Nous avons des pensionnaires victimes du terrorisme, de violence conjugale, d'autres sont en situation de détresse (des mères célibataires ou issues de familles éclatées pour cause de divorce) ou encore rejetées aussi bien par le père que par la mère. Nous avons aussi des pupilles de l'Etat dont seulement 2 ont pu être mariées car malheureusement on ne les accepte pas.. Vous en avez déjà marié d'autres, n'est-ce pas ? l 23 pensionnaires se sont mariées. C'est un bon point pour nous et pour elles puisque chacune a fondé son propre foyer et a actuellement sa propre famille et ses enfants. Elles mènent des vies différentes. Certaines mènent une vie aisée, d'autres pas ; c'est surtout en fonction de la situation de leur mari. Nous avons eu également des pensionnaires qui ont regagné le domicile conjugal ou familial. Avez-vous de leurs nouvelles ? l On ne fait pas de suivi systématique, mais je leur rends visite de temps en temps, chez elles, pour voir de près ce qu'elles deviennent ou quand elles mettent du temps à m'appeler ou ne donnent plus de leurs nouvelles. D'ailleurs, j'essaye de trouver du travail à certains maris qui ne peuvent plus subvenir aux besoins de leur famille vu leur emploi saisonnier. Je viens de recevoir 3 demandes de mariage que nous allons étudier car il nous arrive de prendre attache avec certains prétendants qui demandent à se marier avec seulement la ‘'Fatiha'', ce que nous n'acceptons jamais chez nous, pour nos filles. Et les mères célibataires, comment faites-vous avec elles ? l Heureusement le test ADN réhabilitera la vraie place de la mère célibataire qui encaissait seule les conséquences, délaissée par celui qui l'avait mise enceinte en lui promettant le mariage. Certaines rentrent chez elles difficilement acceptées, d'autres restent ici le temps de trouver un meilleur refuge ou un travail. Vous œuvrez pour leur insertion, est-il facile de le faire ? l On ne laisse pas ces pensionnaires les bras croisés, mais on tente, coûte que coûte, de leur trouver un emploi selon leur niveau. Certaines sont placées chez des familles qu'on connaît pour faire du baby-sitting ou s'occuper de personnes âgées. Nous visons une vraie insertion socioprofessionnelle de nos pensionnaires, nous avons toujours à l'œil même celles qui quittent définitivement le centre. Certaines ont loué chez des familles honorables et travaillent. Elles viennent parfois nous rendre visite ou fêter certains événements avec nous. Nous supposons qu'il n'est pas facile de gérer ces cas sociaux... l Ce qu'elles gardent secrètement est plus que ce qu'elles révèlent... mais elles se battent. La détresse humaine est trop difficile à gérer. Je suis la mère plus que la directrice et j'essaye, avec mon équipe de psychologues et d'éducatrices, de les assister, car nous savons que le risque zéro n'existe pas dans notre société. * Directrice du Centre national pour femmes victimes de violence et en situation de détresse de Bou-Ismaïl.