Tlemcen Aveuglé par la colère, Mourad frappe fort, faisant fi des cris d?horreur que pousse son frère à la vue du poignard sanglant. Vingt-quatre décembre 2002. Tout est calme dans la paisible demeure de Houari L. Ce dernier se retourne dans son lit, non sans émettre quelques gémissements de douleur. Il est malade, mais il est content : pour une fois, ses fils ne lui causent pas de désagréments. Il est vrai qu?à son âge, il ne supporte plus leurs stupides querelles. Sa propre nièce est leur sujet de discorde depuis déjà quelques années. H. L. jette un coup d??il furtif à sa montre. Il est 16h et la maison est toujours imprégnée d?un calme presque alarmant. Oui, H. L. a un mauvais pressentiment, c?est comme lorsqu?on s?attend à quelque chose qui n?arrive pas, et qu?en même temps, on ne sait pas de quoi il retourne ! Un calme qui précède un drame, tout le monde connaît cela et H. L. est, à présent, certain que quelque chose va irrémédiablement arriver. Absorbé pas ses lugubres pensées, il ne se rend même pas compte que Mourad, son fils aîné, est rentré, suivi, quelques minutes plus tard, de Rafik, le plus jeune, ainsi que de leur mère qui revenait d?une visite chez des cousines éloignées. H. L. ne s?aperçoit pas que le ton monte dans la pièce voisine. Il ne sait pas non plus que dans quelques secondes, sa paisible demeure se transformera en un lieu d?horreur que les gens du village montreront du doigt à chacun de leur passage, évoquant le drame qui a frappé une famille tellement exemplaire ! Le ton monte encore entre les deux frères et c?est dans un silence mortuaire que des hurlements arrachent H. L. à ses réflexions et ameutent tout le voisinage. Le spectacle le plus horrible s?offre à leurs yeux : Rafik est étendu sur le sol, poignardé, gisant dans une mare de sang. Il n?est pas encore mort. Debout, son frère Mourad laisse tomber à ses pieds un poignard maculé d?un sang encore chaud. Les voisins ne comprennent pas pourquoi Mourad a tué son frère. Houari, lui, est toujours cloué sur son lit et pleure en répétant : «Je savais qu?ils finiraient par s?entretuer à cause de ma nièce. Je le savais !» C?est tout ce qu?il trouve à dire à son épouse qui s?arrache les cheveux en lui parlant du drame qui vient de se produire. Transporté aux urgences de l?hôpital de Tlemcen, R. L. succomba à ses blessures alors qu?il venait de subir trois interventions chirurgicales dans l?espoir de le sauver d?une mort certaine. Mais peut-on survivre à de violents et profonds coups de poignard, dont deux au ventre et au c?ur ? Il était presque inutile d?espérer un miracle. En réalité, proches voisins et amis voyaient venir le drame. C?est comme s?il était évident que les frères L. allaient régler leurs comptes dans le sang un jour ou l?autre. Tout a commencé à la minute même où Rafik a appris qu?une belle romance était née entre son frère aîné et leur cousine Houda. Cette dernière allait semer le trouble dans la relation qui unissait les deux frères. Rafik, lui aussi, était amoureux de sa cousine. La passion qui l?animait faisait peur à ses proches. Il jurait qu?elle serait un jour sienne et qu?il ferait tout pour l?empêcher de se lier à son frère. Promesse tenue, car en cette matinée du 24 décembre 2002, à quelques semaines des noces de Mourad et Houda, Rafik va retrouver sa cousine et l?informe, sur un ton des plus sérieux, que son frère est indigne d?elle, car au même moment, ce dernier était dans les champs, en agréable compagnie. Quelques heures plus tard, Houda, tout en larmes, accuse Mourad de trahison et veut rompre. Il se trouve que Houda fait partie de ces personnes qui gobent tout ce qu?on leur raconte. Une «attrape-rumeurs» ! Son fiancé, qui tombe des nues, jure par tous les saints qu?il ne s?agit là que d?une rumeur montée de toutes pièces par quelqu?un de malintentionné, et exige d?elle de lui révéler l?identité de ce «trouble relations». Elle s?exécute sans se douter un seul instant que de sa révélation va naître un drame. Son frère ! Son propre frère ! Mourad manque de s?évanouir. Aveuglé par la colère, il rentre à la maison, s?arme d?un poignard et attend l?arrivée de son jeune frère. A peine ce dernier a-t-il franchi le seuil de la maison en compagnie de sa mère que Mourad se rue sur lui, menaçant et rouge de colère. Le ton monte ; l?un accuse et l?autre nie. La mère tente tant bien que mal de les raisonner et puis, tout bascule. Mourad sort son poignard dissimulé sous son manteau et frappe partout avant de laisser tomber, désespéré, l?arme à ses pieds? En détention provisoire, Mourad L. regrette-t-il son acte ?