Alger Karim D., la vingtaine, est arrêté pour meurtre sur la personne de son voisin, un jeune homme ayant une mauvaise réputation. Cris de joie et youyous fusaient dans la salle du tribunal d?Alger. Nous sommes en octobre 2002. Karim D. écope de 8 ans de prison ferme pour le meurtre de son voisin et est condamné à verser la somme de 50 millions de centimes à la famille de la victime? Il y a de quoi manifester sa joie lorsqu?on sait que l?assassin risquait la perpétuité? Le coupable, la vingtaine, frêle et pâle, affichait une mine désespérée lors de son procès, dix-neuf mois après son arrestation pour meurtre. Dans le brouhaha de la salle, le jeune garçon, en pleurant, clamait haut et fort son innocence. Le juge demande le silence. ? Monsieur le président, je jure que je ne voulais pas le tuer? ? Mais enfin, il est bel et bien décédé à la suite des coups de couteau que vous lui aviez assénés. Et la cour de relater les faits dans les moindres détails. Karim continuait de pleurer en se tenant la tête. Des gémissements de douleur provenaient aussi du fond de la salle. Emus, les parents du coupable se lamentaient sur le sort de leur fils. Un fils si affectueux? Comment leur enfant a-t-il été arrêté et condamné pour meurtre avec préméditation ? ? Monsieur le président, c?était de la légitime défense. Le défunt venait vers moi avec un couteau dissimulé sous sa chemise. ? Racontez-nous ce qui s?est exactement passé ce jour-là. ? J?étais à la maison, lorsque la victime (qui n?était autre que mon voisin) se droguait, comme à l?accoutumée, à l?entrée de la cité. Une grande bagarre se déclencha alors entre lui et quelques copains du quartier. Mon voisin se mit alors à insulter les uns et à menacer les autres? Après un moment de silence, le temps d?essuyer quelques larmes, le coupable, anéanti, continue. ? Mon jeune frère, qui se trouvait en face de l?immeuble, était l?une des victimes qu?il s?amusait à terroriser de ses menaces. Mon frère, si frêle et vulnérable, ne pouvait rien faire contre mon voisin qui, excité, continuait à s?en prendre à lui en l?insultant, en traînant son honneur dans la boue, avant de tenter de l?agresser physiquement. A ce moment-là, n?en pouvant plus, je suis sorti de la maison, aveuglé par la colère. Les altercations verbales ont vite viré au drame. En le frappant avec mon couteau, je tentais de me défendre et de défendre mon jeune frère. Je jure que je ne voulais pas le tuer. Mourad, le frère du coupable, affirma que, effectivement, la victime s?en prenait à lui plus qu?aux autres. Lorsque Karim vint à son secours, il courut alerter la police. A son retour, son voisin était allongé sur le sol, inerte. Il venait de rendre l?âme, entouré des jeunes du quartier et de quelques curieux. Une demi-heure plus tard, la police les convoqua, Karim et lui, pour témoigner. On le relâcha et on lui annonça que son frère était inculpé pour meurtre. ? Monsieur le président, je n?en reviens pas que mon frère aîné soit condamné pour meurtre. Il était descendu de la maison pour me défendre. Des témoins dressent à leur tour un tableau noir du défunt, connu pour ses excès de violence sur les jeunes du quartier. Il y a quelque temps, un garçon du quartier est décédé à la suite de coups et blessures assénés par le défunt. Le père du coupable est complètement abattu. Selon lui, son garçon est un jeune homme affectueux, incapable de faire du mal. Il ne nie pas, cependant, que ce dernier était accro aux stupéfiants. L?avocat de la défense insista sur «le meurtre sans préméditation» et «la légitime défense», faisant appel à des circonstances atténuantes? Après délibérations, le verdict tombe : 8 ans de prison ferme. Un verdict clément lorsqu?on sait que Karim D. risquait la perpétuité. Ce qui explique, paradoxalement, les cris de joie et les youyous qui fusaient de toutes parts dans la salle du tribunal. Oui, mais, à ce moment-là, y avait-il une seule personne à avoir une pensée pour les parents du défunt ?