Résumé de la 92e partie n Ernie et Wilma se rendent chez Loretta. Ils veulent récupérer le billet gagnant avant l'expiration du délai ... Quelques rides apparaissaient déjà sur son visage. Un problème héréditaire. A soixante ans, sa mère ressemblait à une vieille pomme ratatinée. «Wilma, Ernie, quelle bonne surprise ! s'exclama-t-elle. Entrez, entrez donc.» Loretta décida d'ignorer que ni l'un ni l'autre ne la saluèrent, qu'ils ne se soucièrent pas d'essuyer la neige de leurs chaussures sur le paillasson de l'entrée qui portait une inscription à cet effet, qu'ils restèrent de marbre face à son accueil. Wilma déclina son invitation à s'asseoir, refusa thé et bloody mary. Elle exposa clairement les faits. Ernie avait été en possession d'un billet d'une valeur de deux millions de dollars. Il l'avait raconté à Loretta à l'Harmony Bar. Loretta l'avait raccompagné en voiture, l'avait aidé à monter dans sa chambre. Ernie avait perdu conscience et le billet s'était volatilisé. En 1945, avant de devenir danseuse professionnelle, Loretta avait suivi des cours de comédie à la Sonny Tufts School. Se fondant sur cette expérience lointaine, elle joua avec application et sincérité le scénario qu'elle avait mis au point à l'intention de Wilma et d'Ernie. Ernie ne lui avait jamais soufflé mot du billet. Elle l'avait simplement raccompagné chez lui pour lui rendre service ainsi qu'à Lou. Lou ne pouvait pas quitter son bar, et de toute manière c'était un minable même pas foutu de demander à Ernie les clés de sa voiture. «En tout cas, t'as pas dit non quand j'ai proposé de te reconduire, dit Loretta à Ernie d'un ton indigné. Je risquais ma vie à te ramener chez toi pendant que tu ronflais dans ma bagnole !» Elle se tourna vers Wilma et de femme à femme lui rappela : «Tu connais la jalousie de Jimbo, cet imbécile. On dirait que j'ai seize ans pour lui. Pas question que je mette les pieds chez toi quand t'es pas là, Wilma. Quant à toi, Ernie, t'as pas mis longtemps à t'écrouler au bar. Demande à Lou. Peut-être que tu t'es arrêté dans un autre bistrot avant, et peut-être que tu as parlé du billet à quelqu'un d'autre.» Loretta se félicita secrètement en voyant le doute et la confusion se répandre sur leur visage. Ils partirent quelques minutes plus tard. «J'espère que vous le retrouverez. Je vais dire une prière», promit-elle pieusement. Elle s'excusa de ne pas leur serrer la main, leur racontant l'histoire du sumac vénéneux qui poussait dans la serre de son andouille de belle-sœur. «Venez prendre un verre avec nous pour les fêtes, ajouta-t-elle avec empressement. Jimbo rentrera à quatre heures de l'après-midi, la veille de Noël.» De retour chez eux, assise l'air abattu devant une tasse de thé, Wilma déclara : «Elle ment. Je sais qu'elle ment mais comment le prouver ? Quinze gagnants se sont déjà présentés. Il en reste un et il a un an pour réclamer son dû.» Des larmes de rage roulaient sur ses joues sans qu'elle s'en aperçoive. «Elle s'arrangera pour faire savoir à la terre entière qu'elle achète un billet de temps en temps, ici ou là. Et ça pendant cinquante et une semaines, et ensuite, bingo, elle retrouvera ce billet qu'elle avait soi-disant complètement oublié.» (à suivre...)