Résumé de la 1re partie n Sperati est un génie, mais il emploie son savoir-faire pour se venger de gens qui se croient plus rusés que lui… Les vieux timbres délavés sont traités avec du savon, de la résine, de la colophane, de l'albumine, de la gomme-laque. En fait, la fabrication de ses faux timbres est au moins aussi compliquée que la fabrication normale de timbres authentiques. Sperati possède, à côté de lui, toute une pile de catalogues dont il reproduit les motifs qui l'intéressent. Comment s'y prend-il ? Tout simplement à la main. Avec l'aide de grandes loupes. A ce régime-là, sa vue se fatigue énormément et, au bout de quelques années, Sperati se rend compte qu'il devient, peu à peu, aveugle. Mais il a sa mission à accomplir : se venger. Il se lance alors dans des achats de lentilles, et fabrique lui-même d'énormes lunettes à double foyer, qu'il ne quittera plus. Il a besoin d'une presse, car celle qu'il a pu acheter dans le commerce présente un grave défaut : en appuyant sur le papier, elle a tendance à déplacer celui-ci latéralement, ce qui décale l'impression. Ne reculant devant aucun effort, Sperati s'attaque alors à la fabrication d'une presse qui n'ait pas de décalage latéral. Il y parvient... après plusieurs mois de travail. Un autre obstacle s'élève alors pour contrecarrer le projet de notre faussaire. Les encres qui servaient à oblitérer les timbres anciens étaient très spéciales, pratiquement impossibles à reconstituer. Sperati réfléchit et trouve la solution. Une solution qui en aurait découragé plus d'un : «Quand je vais décolorer mes timbres anciens, il faut que j'efface l'impression, mais que je garde l'encre de l'oblitération !» Il suffisait d'y penser ! Puis il soulève un autre problème : «Mes timbres, si parfaits soient-ils, ont quand même un aspect trop neuf, qui n'est pas logique, puisqu'ils sont censés avoir dormi de longues années dans des albums poussiéreux.» Alors Sperati grimpe sur un escabeau et ramasse de la poussière. Pas n'importe laquelle : celle qu'on peut recueillir en haut des armoires. Le résultat le satisfait. Même après des examens rigoureux sous la lampe de Wood, sous le microscope, aux rayons uItraviolets. Il s'écrie alors : «A nous deux, messieurs les experts ! Nous allons voir un peu ce que vous valez !» Et très rapidement, Sperati a la joie de vendre trois cents de ses petits chefs-d'œuvre du faux à des professionnels ayant pignon sur rue. Mais il ne vend pas qu'aux experts : il passe à la «diffusion» de ses œuvres, et on estime aujourd'hui que, pendant toute sa carrière de faussaire, il aurait jeté sur le marché pour un milliard et demi d'anciens francs de pièces truquées. Combien de collectionneurs, même célèbres, ont aujourd'hui des «Sperati» dans leurs albums ? De toute manière, ils n'ont pas fait une mauvaise affaire, nous allons voir pourquoi... Certains collectionneurs sont tout de même au courant des activités d'un faussaire génial. Puisqu'ils sont au courant, la police elle aussi est prévenue. Comment se fait-il qu'elle n'intervienne pas ? Tout simplement parce que Sperati a choisi de travailler au grand jour. Il se donne le titre d'«imitateur en timbres». Fait-il une contrefaçon presque parfaite ? Il la vend comme une «imitation». La preuve ? Il ne la fait payer que dix pour cent de la valeur du timbre imité. Et pour prouver sa bonne foi, il signe son œuvre au dos et... au crayon. Inutile de dire que certains acheteurs très peu scrupuleux s'empressent d'effacer la signature crayonnée et revendent le timbre comme s'il s'agissait d'une pièce rare. (à suivre...)