Les frères Van Eyck ont marqué l'histoire de la peinture. Jan surtout. Jan travaillait pour le duc de Bavière en 1422. C'est la première mention que l'on ait de lui. Il était originaire des environs de Liège. On suppose qu'il fut à ses débuts un miniaturiste dont les œuvres sont lumineuses. Puis Jan Van Eyck devient attaché au service du duc Philippe le Bon. Il réside à Lille, mais le duc le charge de missions secrètes. Des voyages dont il doit rapporter les portraits de princesses lointaines que le duc, vieillissant, songe à épouser. Quand son maître épouse, à Lisbonne, Isabelle du Portugal, Jan Van Eyck est du voyage. Puis il devient propriétaire foncier, à Bruges. C'est en 1432, alors qu'il a entre trente et quarante ans, que Jan Van Eyck se voit commander un polyptyque appelé l'Agneau mystique. Les commanditaires – qu'il va portraiturer sur l'œuvre – sont Jodocus Vydt, l'un de plus riches bourgeois de Gand, et son épouse Elisabeth Borluut. Jan Van Eyck semble avoir été un des premiers à utiliser une technique picturale révolutionnaire : celle de l'emploi de l'huile pour peindre. Cela lui permet de disposer, les unes par-dessus les autres, différentes couches pigmentées qui, par leur transparence, permettront de nouveaux effets délicats, des mélanges subtils de couleurs... L'Agneau mystique est, depuis plusieurs siècles, l'orgueil de la cathédrale Saint-Bavon, à Gand. Il s'agit d'un retable qui, sur douze panneaux, représente l'Annonciation, saint Jean-Baptiste, saint Jean l'Evangéliste, le donateur et son épouse. L'œuvre peut se replier sur elle-même. L'intérieur représente l'adoration de l'Agneau mystique, Dieu le Père et la Vierge Marie, des anges, des apôtres, des ermites, des chevaliers, et le couple d'Adam et Eve. Le célèbre retable a l'habitude des voleurs. En 1566, une émeute déclenchée par les protestants met Gand à feu et à sang. Les catholiques, connaissant la haine des Huguenots pour les images pieuses, forment une garde chargée de veiller, de jour comme de nuit, sur le chef-d'œuvre. Le 21 août, une foule hostile envahit Saint-Bavon dans l'intention de s'emparer de la merveilleuse peinture. Et repart bien déçue : l'Agneau mystique n'est plus là. En fait, les catholiques ont pris la précaution de le dissimuler, deux jours plus tôt, dans la tour de l'église. Après cette chaude alerte, on décide qu'il sera plus en sécurité dans l'hôtel de ville gantois. Cependant, les huguenots finissent par emporter la victoire et la ville devient «parpaillote». Quelqu'un a une idée : «Nous avons été aidés par Sa Majesté la reine Elizabeth d'Angleterre, qui a puisé dans sa cassette pour nous soutenir. En témoignage de reconnaissance, pourquoi ne pas lui offrir l'Agneau mystique ?» Cela n'aurait pas été une si mauvaise idée, et il aurait sans doute été à l'abri de bien des mésaventures postérieures. Pourtant, une voix s'élève contre le projet, celle de messire Josse Triest, un descendant direct du commanditaire Jodocus Vydt : «Messieurs, pourquoi livrer à une souveraine étrangère une des fiertés de notre ville ? Non ! Il faut que notre Agneau mystique reste chez nous !» En définitive, pourquoi pas ? Le chefs-d'œuvre reste donc. D'ailleurs, les événements vont vite et, bientôt, ce sont les catholiques qui reprennent le contrôle de la cité. L'Agneau mystique reprend le chemin de la cathédrale Saint-Bavon. Il va connaître presque deux cents ans de calme. (à suivre...)