L'émouvante muse de l'iconoclaste Serge Gainsbourg est de retour. Avec son accent toujours aussi touchant, elle s'offrira au public algérois, les 21 et 22 décembre à la salle Ibn Zeydoun. Vous l'avez certainement vue récemment à la télévision, sur une chaîne française (FR3) prenant véritablement à coeur son rôle de marraine lors du dernier téléthon consacré aux maladies génétiques en France. Délicate et attentionnée, elle prodiguait réconfort et bien-être aux malades. Rien qu'avec son sourire angélique... Depuis ces dernières années, Jane s'est beaucoup investie dans les manifestations antiracistes et les actions humanitaires notamment. C'est pourquoi, sa venue cette fois-ci en Algérie revêtira un aspect particulièrement symbolique, à la différence des concerts qu'elle donne habituellement. Après s'être produite, en effet, le 12 novembre au Théâtre régional d'Annaba, puis avoir interrompu sa tournée suite au deuil décrété à cause des tragiques inondations qui ont marqué le pays le 10 novembre, elle est enfin de retour pour sceller ses engagements avec le public algérois, en chantant les 21 et 22 décembre à la salle Ibn Zeydoun de Riadh El Feth, en faveur des sinistrés de Bab El Oued. Elle est l'invitée de marque du Centre culturel français. Chanteuse à la voix acidulée, fragile, tour à tour espiègle et pétrie d'émotion, Jane Birkin doit sa notoriété dans le domaine de la variété à l'interprétation majestueuse de chansons écrites pour elle par l'iconoclaste Gainsbourg, ce poète cynique des temps modernes qui est, aujourd'hui, considéré comme l'un des plus grands auteurs-compositeurs français. Née à Londres en 1946, d'un père aristocrate et d'une mère grande comédienne de théâtre, Jane a vite conquis le coeur des Français qui voient en elle une véritable artiste populaire. Venue en France, à la fin des années 60, après quelques petits rôles au cinéma (The Knack de Richard Lester 1965, Blowup, de Michelangelo Antonioni, 1966), Jane Birkin commence sa carrière de chanteuse en enregistrant avec Serge Gainsbourg, qu'elle rencontre sur le tournage de Slogan (Pierre Grimblat, 1969). Une rencontre marquée par une grande histoire d'amour entre ces deux êtres atypiques dont le couple défraya la chronique. En effet, le premier titre, Je t'aime, moi non plus au texte d'un érotisme provocateur, déclenchera un tollé. Ce titre sera quelques années plus tard en 1976, le nom d'un film réalisé par Serge Gainsbourg avec Jane et l'acteur fétiche d'Andy Warhol, Joe Dallessandro, histoire d'amour entre un marginal homosexuel et une serveuse androgyne. Jane devient non seulement la femme de Gainsbourg mais aussi sa muse qui lui donnera aussi un enfant, Charlotte. Jane alterne dès lors la chanson, avec des albums que son fidèle compositeur et complice de tous les jours écrit pour elle (Ballade de Melody Nelson, 1970, go home, 1975, Ex-fan des sixties, 1978, Baby Alone in Babylone, 1983, Lost Song, 1987, Amours des feintes, 1990) et des rôles dans des films populaires comme La moutarde me monte au nez (1974) de Claude Zidi, ou dans des films d'auteurs: La pirate (1984) de Jacques Doillon, L'amour par terre (1984) et La belle Noiseuse (1991) de Jacques Rivette... En 1980, Jane surprend en jouant dans La fille prodigue de Jacques Doillon. Cette facette tragique qu'elle révèle d'elle, tranchera nettement avec cette vision de fille rigolote qu'on avait d'elle. Au fur et à mesure de sa carrière, la voix qui est à l'origine très fluette, prend de l'ampleur. Elle s'est affinée, sans pour autant se défaire de son savoureux accent british. A ses débuts, simple interprète de l'écriture de Gainsbourg, elle est devenue aujourd'hui la fidèle gardienne de sa mémoire fragile et bouleversante. En effet, au lendemain de la mort de Gainsbourg en 1991, Jane Birkin dédie à ce dernier une tournée de concerts, puis après avoir annoncé qu'elle abandonnait la chanson, elle y revient en 1996 avec un album (Versions Jane), dans lequel elle reprend avec beaucoup d'émotion des chansons du disparu qu'elle n'avait jamais interprétées, orchestrées par des musiciens d'horizons très différents. On retient notamment sa version de La Gadoue, interprétée à l'origine par une autre Britannique, Petula Clark et ici accompagnée par les Négresses Vertes. Il y a aussi cette saisissante image qu'on garde de Jane qui chante avec sa voix tremblante: «Je suis venue te dire que je m'en vais...» un morceau renversant qui marquera à tout jamais l'histoire de la chanson française. Une empreinte qui a fait retentir les planches du Casino de Paris à la disparition de Serge, et que l'on peut retrouver sur le live de Jane justement intitulé: «Je suis venu te dire que je m'en vais», sorti en CD en 1996. Deux ans après, Jane enregistre pour la première fois un album entier écrit par d'autres que Gainsbourg. Pour A la légère, elle fait appel à plusieurs artistes de renom qui fondent la chanson française à l'image d'Alain Chamfort, Alain Souchon, Laurent Voulzy, Françoise Hardy, Zazie, Mc Solaar... Ne s'arrêtant pas là, Jane sera amenée à «orientaliser» certains de ses célèbres morceaux comme Elisa, Couleur café ou encore Comment te dire adieu... et ce, grâce à l'apport musical de Djamel Benyelles, un violoniste d'origine oranaise qu'elle a rencontré par le biais du producteur Philippe Lerichomme. Accompagnée qu'elle sera ce vendredi et samedi à la salle Ibn Zeydoun à partir de 19h, de la section classique et traditionnelle de Djam et Fam, à savoir Djamel au violon, Frédéric Maggi au piano, Amel Riahi au luth et Aziz Boulaaroug aux percussions, Jane va redonner assurément un second souffle à ces titres culte de la chanson française. Une découverte à ne pas rater donc! Rappelons que l'intégralité des recettes de ces deux concerts, à raison de 250 dinars la place, sera reversée au profit des sinistrés de Bab El Oued.