Conversation n El-Houssine Dejjiti, metteur en scène marocain, participe au festival national du théâtre professionnel avec une pièce, Hachouma. Interrogé sur cette pièce, El-Houssine Dejjiti a dit : «Avec cette pièce, j'ai travaillé sur le diwan Majnoun Hachouma écrit en zejel (poésie en dilectal marocain). Pour cela, j'ai fait appel à la poétesse Zhour Zryaq qui travaille sur le dialecte marocain ancien. Ce qui l'intéresse dans ce parler, c'est bien son côté poétique. Moi, j'ai fait la mise en scène et elle a fait les dialogues. Hachouma est une histoire d'amour dans un cadre marocain typiquement traditionnel. C'est aussi pour faire valoir le patrimoine culturel marocain.» S'exprimant ensuite sur l'objectif de cette recherche dramaturgique, le metteur en scène a indiqué : «En fait, ma démarche consiste à créer une histoire d'amour propre au Maroc, car dans la dramaturgie universelle on retrouve des histoires, telles que Roméo et Juliette ou Antar oua Abla, mais pas celle de chez nous, alors que notre histoire et notre culture regorgent de référents du genre. En somme, mon but est de dire que même nous, Marocains, nous avons des histoires d'amour à raconter et, du coup, d'inscrire le théâtre marocain dans un répertoire universel.» Dans la pièce Hachouma, le metteur en scène travaille sur la poésie, il l'intègre comme matériau de construction scénique. «Ce qu'il faut savoir, a-t-il fait constater, c'est que l'expérience théâtrale ne s'arrête pas à des choix déterminés. Et la poésie, comme forme d'expression artistique, se révèle comme étant une expérience théâtrale parmi tant d'autres. Il ne faut pas alors se limiter à des pratiques types, dans un cadre rigide. Il ne faut surtout pas limiter les compétences et contenir les initiatives créatrices.» Interrogé sur la philosophie de sa pratique théâtrale au plan thématique, El-Houssine Dejjiti a relevé que «c'est l'être humain qui occupe mon centre d'intérêt. Mon travail est une quête permanente de l'homme». Interrogé en outre sur la place de l'homme dans le théâtre, le metteur en scène, pour qui celui-ci occupe de tout temps la première place, a souligné : «Il est tout. Il est le sujet sur qui s'exerce une action et par qui elle s'accomplit.» Avec «Hachouma», El-Houssine Dejjiti en est à sa troisième expérience théâtrale en tant que metteur en scène. Il a également une expérience dans le cinéma comme à la télévision. «Sur le plan théâtral, j'ai eu aussi une expérience avec le théâtre français. Pour mon effort personnel, afin de cumuler plus de richesses, j'ai sillonné un peu l'Europe de l'Est pour découvrir ce qui se fait en matière de pratique théâtrale et en quête de nouvelles formes scéniques. Ces diverses rencontres et expériences m'ont franchement permis d'avoir une vision plus large de l'expression théâtrale. J'ai pu voir et comparer plusieurs genres. Cela m'a permis de me construire et de m'enrichir et aussi de me situer par rapport au théâtre marocain.» Ainsi, El-Houssine Dejjiti a estimé qu'«il faut, en tant que dramaturge, faire preuve d'ouverture d'esprit, s'inscrire dans la variation et la diversité, s'ouvrir à la recherche pour une vision du monde beaucoup plus large.» l El-Houssine Dejjiti, en s'exprimant sur le théâtre marocain qui est soutenu et encouragé par un fonds d'aide à la création, à la production et à la diffusion, a indiqué : «Actuellement, et depuis quelques années, le théâtre marocain est en pleine expérimentation. Il multiplie les expériences comme il encourage la recherche.» Il a, ensuite, expliqué les raisons de cette dynamique. «Le théâtre Mohammed-V (un théâtre d'Etat) s'ouvre de plus en plus aux troupes indépendantes», a-t-il dit, ajoutant : «Cela veut dire que le théâtre marocain se veut désormais un métissage entre les pionniers et la jeune génération. De surcroît, il tend à relancer les troupes régionales et donc à multiplier et à diversifier les expériences théâtrales.» El-Houssine Dejjiti, pour qui le théâtre marocain s'inscrit dans la continuité, a, toutefois, regretté que, en dépit de cette dynamique renouvelable, «le théâtre marocain est confronté au problème financier. Il est en quête de sponsors. Il y a certes l'aide des collectivités locales, mais cela ne suffit pas.» Le metteur en scène a, par ailleurs, salué l'expérience théâtrale la qualifiant de référence et d'enrichissante : «Je tiens à saluer l'expérience théâtrale algérienne parce qu'elle est diverse. Il y a plusieurs troupes régionales, donc une multiplicité d'expérience. Cela donne manifestement plusieurs productions. En plus, le théâtre algérien a représenté, dans les années 1970 et 80, le théâtre maghrébin dans les festivals.» Interrogé, ensuite, sur le théâtre maghrébin, El-Houssine Dejjiti a estimé que «c'est un théâtre qui, certes, présente des variantes, selon les expériences, mais qu'il est commun.» Ainsi, le théâtre maghrébin (marocain, algérien et tunisien) est un même théâtre. C'est un théâtre où convergent les mêmes valeurs et symboles, mais qui présente des particularités et des variantes d'abord, selon les régions, et, ensuite, selon les expériences. «Le dinosaure» ou «la problématique» des harragas l Les relations humaines et les problèmes de communication sont au centre de la pièce Le dinosaure, présentée, lundi soir, au palais de la culture Moufdi-Zakaria par la coopérative culturelle théâtrale de Sétif, dans le cadre du 3e Festival national du théâtre professionnel qui se tient depuis le 24 mai dernier à Alger. La pièce, présentée hors compétition, met en scène deux «harragas», le troisième ayant changé d'avis au dernier moment, qui embarquent sur un bateau en partance vers une île. Le dinosaure aborde la problématique des harragas et la communication au sein de la famille et de la société», a indiqué le responsable de la troupe et metteur en scène, Abdelmalek Boussahel, qui dit avoir été inspiré par les textes de l'écrivain français d'origine roumaine, connu pour son théâtre, Eugène Ionesco. Basée sur le texte et particulièrement le jeu des comédiens qui occupent tout l'espace, avec une forte expression corporelle, cette tragi-comédie se caractérise également par une gestuelle assez naturelle et une chorégraphie harmonieuse. «Nous avons réduit le décor à sa plus simple expression, le limitant à une caisse et à un fauteuil roulant», a expliqué Abdelmalek Boussahel à propos de cette pièce au texte léger et aéré. L'autre élément important de cette pièce, interprétée par les talentueux comédiens Arès Boussaada et Fayçal Douag, se distingue également par la musique interprétée par Hocine Smati. «La musique enrichit de manière importante les différentes scènes», a expliqué le responsable de cette troupe dont les débuts remontent aux années 1980. «J'ai aimé l'adaptation sur le plan textuel et apprécié le jeu des acteurs tout comme la distribution de la pièce», a indiqué un spectateur qui a néanmoins déploré la présence d'un public réduit à une dizaine de personnes.