Il était une fois la femme d'un padichah qui avait eu onze garçons. Quand elle attendit à nouveau un enfant pour la douzième fois, elle dit, car elle aimait beaucoup les filles : «Maintenant, je donnerais bien mes onze fils pour avoir une fille.» Et la nuit où elle mit au monde une petite fille, ses onze fils disparurent tout d'un coup... Il faut vous dire qu'elle avait fait faire, pour leur premier anniversaire, à chacun de ses fils une cuillère en or gravée avec leur nom... Donc, le lendemain matin, quand l'agitation provoquée par cette nouvelle naissance fut calmée, on s'aperçut de cette disparition, on les chercha partout, mais en vain... La petite fille avait grandi, elle avait maintenant dix-sept ans, mais ses frères n'étaient toujours pas revenus. Quand elle était plus jeune et jouait dans la rue avec d'autres enfants, elle revenait en disant : «Maman, je n'ai pas de frères, j'envie tant les autres filles qui en ont.» Alors, un jour, sa mère, ayant sorti du coffre les cuillères, lui dit : «Regarde, tu as onze frères, mais ils ont disparu la nuit où tu es venue au monde. Jusqu'à présent nous n'avons pu retrouver leurs traces, ils sont perdus.» La jeune fille répondit : «Quel malheur ! J'ai onze frères mais je n'ai personne à appeler ainsi ! Surtout ne m'en empêchez pas, je vais partir à leur recherche, et s'il le faut, pendant toute ma vie. Mais je les retrouverai. Elle s'en va seule, avec un peu d'argent que lui ont donné ses parents, de village en village, leurs photos à la main, regardant partout, les cherchant dans tous les coins. Une année passe, mais elle ne les trouve pas... Un jour, elle se met en route et arrive peu après à un lac. Pensant que le chemin sera plus court par là, elle prend un sentier qui, croit-elle, la mènera plus vite au village d'en face, mais elle se perd au milieu des roseaux et des arbres. Enfin, à la nuit tombée, elle arrive à une cabane au milieu du lac, (c'est un lac, mais il y a, par-ci par-là, des îlots de terre, c'est ainsi qu'elle le traverse) où elle pourra demander l'hospitalité pour la nuit. Elle entre et voit onze lits, mais il n'y a personne. En attendant elle balaie, nettoie, fait les lits, puis se cache sous le onzième lit... A leur retour les garçons s'écrient : «Oh, oh ! Quelqu'un est venu ici. Qui cela peut-il être ? Un djinn ou un humain ?» L'aîné ayant suggéré de chercher sous les lits, trouve la jeune fille sous le onzième, qui était celui du plus jeune. — Es-tu un djinn ou un humain ? — Je suis un être humain comme vous. Je suis la fille du padichah. La nuit où je suis née, mes frères ont disparu et je les cherche par monts et par vaux depuis déjà un an. Aujourd'hui j'ai voulu prendre un raccourci par le lac, je me suis perdue, et je suis arrivée jusqu'ici. — Comment s'appellent tes frères ? — X..., Y..., Z... (elle cite leurs noms, du plus grand au plus petit). — Comment connais-tu tes frères ? — Je ne les connais pas, j'ai seulement leurs photos et des cuillères gravées à leurs noms. (à suivre...)