Histoire n Des facteurs objectifs, aujourd'hui disparus, ont fait, à travers les siècles, le malheur des nouveau-nées et de leurs parents. La sociologue Fatma Oussedik ne doute pas de la sincérité de ceux qui affirment être indifférents au sexe de l'enfant. Certains le disent cependant par «hypocrisie», dit-elle, car il n'est pas toujours facile d'assumer une telle ségrégation à notre époque. Interrogée sur les origines du phénomène et son évolution, elle le lie d'emblée à une «question d'héritage», autrement dit, dans notre société où la femme n'hérite pas de tout – de la terre notamment - il faut un mâle pour transmettre l'héritage ancestral. D'autres facteurs, qui ont disparu cependant, ont toujours fait le malheur des nouveau-nés filles et de leurs parents. A commencer par l'organisation économique de la société par le passé, soit une économie basée essentiellement sur l'agriculture. La nature des travaux, qui se faisaient manuellement, demandait de la force physique, détenue exclusivement par les hommes. Une fille ne pouvait donc être perçue que comme une charge pour ses frères qui trimaient aux champs. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, puisque la proportion des familles qui vivent exclusivement de l'agriculture a sensiblement baissé, sans parler de la réduction de l'effort physique nécessaire pour les travaux des champs, grâce à l'introduction de la machine. Constituant plus de la moitié des effectifs des universités et de certains secteurs d'activités, les femmes ne sont plus une charge. Mme Oussedik résume la situation en deux mots : «Aujourd'hui, la femme travaille.» Un autre élément objectif a accentué le phénomène à travers les siècles : les conflits entre les tribus. Un garçon était vu comme un potentiel soldat et une fille comme un individu faible à protéger. Encore une charge ! Une situation qui a disparu totalement aujourd'hui puisque même les différends entre les familles ne sont plus réglés à coups de fusil, la justice et la police étant là pour assurer la sécurité des personnes et des biens. L'avènement du système de sécurité sociale et de retraites est un autre facteur qui a permis aux filles de se faire accepter par leurs familles, en ce sens qu'une personne âgée n'a plus besoin de sa progéniture pour vivre au crépuscule de sa vie, puisqu'elle percevra sa pension de retraite jusqu'à la fin de ses jours. Ce qui n'était pas possible par le passé. Soit un ensemble d'éléments à décharge de nos ancêtres qui ont été, en quelque sorte, contraints d'en arriver à souhaiter avoir des garçons et à percevoir les filles comme une charge inutile. Il reste que malgré la disparition de ces facteurs, une question d'honneur mal placé fait que le réflexe persiste dans certains milieux. Des gens voient encore, inconsciemment peut-être, en leurs propres filles une source potentielle de déshonneur pour la famille. Désolant.