«S'il prend trois matchs de suspension, je ne le retiens pas», avait averti Guus Hiddink, le sélectionneur de la Russie au lendemain du dernier match des éliminatoires pour l'Euro-2008 face à Andorre au sujet d'Andreï Arshavin qui avait été expulsé pour avoir frappé un joueur adverse. C'est dire que le joyau du Zénith Saint-Pétersbourg, celui qui a survolé la dernière finale de la coupe UEFA face aux Glasgow Rangers (2 à 0), a failli être privé de phase finale. Heureusement pour lui et pour la Russie qu'il a écopé de deux rencontres (Espagne et Grèce) avant de faire son grand retour contre la Suède et puis hier face aux Pays-Bas où il a fait étalage de tout son génie et toute sa classe. Pour une fois, les hommes de Van Basten sont tombés sur un os lors de cet Euro et encaissèrent les premiers un but, un véritable modèle d'école avec un débordement d'Arshavin qui décale Sergueï Semak sur l'aile gauche, centre de ce dernier au premier poteau pour Roman Pavliyutchenko qui coupe la trajectoire du ballon du plat du pied. Les jeunes footballeurs des écoles devraient apprécier. Les Néerlandais sont patients et ne perdent pas espoir puisqu'ils parviennent à revenir au score à cinq minutes de la fin grâce à un coup franc de Sneijder qui trouve Van Nistelrooy au second poteau pour une tête plongeante imparable. Moins frais physiquement que leurs adversaires, les Néerlandais frôlent à plusieurs reprises la correctionnelle avant de céder dans les dernières minutes des prolongations sur des coups du maître Arshavin : accélération côté gauche et centre, le ballon rebondit sur la barre transversale et revient sur le pied gauche de Torbinski qui le met dedans ; puis, sur une touche, Arshavin, lui-même, réalise une feinte sur un adversaire et s'en va mettre la balle entre les jambes de Van der Saar. La messe est dite et Guus Hiddink, le sélectionneur batave, peut jubiler face à ses compatriotes. Sélectionneur à poigne, Hiddink a réussi son coup de force en instaurant une rigueur dans tous les domaines et une mentalité professionnelle au sein d'une sélection russe qui ressemblait beaucoup plus à une cour de récréation. Finies les sorties nocturnes, les disputes à l'entraînement et les luttes d'influence qui étaient monnaie courante. Celui qu'on surnomme le magicien, après ses passages au PSV Eindhoven, en sélection des Pays-Bas, de Corée du Sud et d'Australie, a réussi également à se débarrasser de tous les parasites qui gravitaient autour de la sélection (fonctionnaires de la fédération sans véritables attributions, politiciens avides de coup de pub et autres conseillers de tout bord). Il réglera très vite les problèmes de primes qui empoisonnaient à chaque fois la vie de la sélection, tout en rétablissant une discipline de fer au sein du groupe (exclusion de Marat Izmaïlov de la liste des 23 pour avoir déserté la sélection pour motif personnel). Le must est que Hiddink n'a pas bouleversé le jeu de son équipe en optant pour un collectif technique très fort, une préparation physique exemplaire et une expression sur le terrain qui fait rappeler un peu le Dynamo Kiev de Blokhine ou l'Urss de Lobanovski. En prenant le meilleur des Russes et le meilleur du professionnalisme à l'occidentale, Hiddink a réussi à transformer sa sélection qui attendra ce soir pour connaître qui de l'Espagne ou de l'Italie (qui n'a jamais été battue par son adversaire depuis 88 ans !) elle affrontera jeudi en demi-finale d'un Euro-2008 de plus en plus étonnant.