Cette fois, l'Italie n'a pas réussi à faire son coup du crocodile : berner son adversaire durant tout un match avant de l'emmener aux tirs au but pour l'achever, malgré la présence d'un immense gardien appelé Gianluigi Buffon. Sans Pirlo, son architecte, et Gattuso, son maçon le plus actif, la Squadra Azzurra avait triste mine hier au stade Ernst-Happel de Vienne, mais elle a quand même tenu le coup (0 à 0) au terme du temps réglementaire et des prolongations et a failli repartir avec la qualification en poche, si Donadoni avait empêché Di Natale d'aller tirer son penalty, alors que tout le stade le sifflait jusqu'à en perdre son self-control. L'Italie n'a pas peut-être pas la profondeur du banc néerlandais dans l'entrejeu, mais elle possède l'expérience et l'équilibre, et les Ambrosini, Aquilani, De Rossi et Camoranesi l'ont bien prouvé devant l'adversaire ibère en essayant de combler la magie de Pirlo et la hargne de Gattuso. Sauf que l'Italie ne joue pas, mais laisse jouer les autres et Toni a souvent souffert de balles qui n'arrivaient pas au bon moment et surtout au bon endroit. Les hommes de Donadoni, qui ne sera pas lâché par la redoutable presse transalpine, comme le fait en ce moment son homologue français Raymond Domenech, rateront un but tout fait à l'heure de jeu, lorsque Casillas sauve sa cage tel un gardien de handball, mais les Espagnols sont plus entreprenants même s'ils sont souvent bloqués par le schéma tactique de leur adversaire. Ils auront, eux aussi, leur occasion lorsque Senna adresse un bolide que Buffon transforme en une «arconada», avant de rattraper le ballon qui percute son poteau gauche. Le 28 mars dernier, l'Espagne avait croqué l'Italie sur un but de Villa en amical, mais cela fait 88 ans que les Ibères n'avaient pas pris le meilleur sur les Azzurri en match officiel. De plus, depuis 1984, l'Espagne est victime de la malédiction des quarts de finale, toutes compétitions confondues, et ce spectre a plané pendant quelques instants au moment des tirs au but, notamment après l'essai manqué du remplaçant Guiza qui relançait de nouveau l'Italie. Mais il était dit que cette Espagne méritait d'aller en demi-finale après un premier tour plutôt brillant (trois victoires en autant de matchs), mais surtout grâce à un effectif talentueux et une jeune génération ambitieuse d'inscrire sur le socle d'un trophée, quarante-quatre ans après le seul sacre de la Seleccion. Le dernier carré de l'Euro-2008 est donc connu et les demi-finales qui opposeront d'un côté, l'Allemagne à la Turquie (mercredi à Bâle), et, de l'autre, l'Espagne à la Russie (jeudi à Vienne), s'annoncent passionnantes. La première, même si elle semble un peu déséquilibrée, suscite déjà fièvre et ferveur dans les deux pays, alors que la seconde est un remake du premier tour, mais qui ne sera pas dans le même emballage.