Tradition n La poterie est l'un des plus vieux métiers pratiqués par l'homme pour réaliser des ustensiles dont il a besoin. Puisant dans la nature les matériaux, il a, au fil des siècles, peaufiné son art. En Kabylie, ce métier est encore exercé et de manière traditionnelle, de nos jours encore, par les femmes qui détiennent exclusivement ce savoir-faire hérité de génération en génération. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, l'activité est particulièrement concentrée dans la partie sud-ouest. Maâtkas est l'une des régions les plus réputées pour ce métier et fêtent depuis 1992 la fête de la poterie. Cette fête qui était célébrée jusqu'en 2001, a été interrompue, pour revenir cette année. Les potiers ont pu exposer et proposer leurs produits à la vente durant toute une semaine qui s'est achevée le 3 du mois en cours. Une des principales préoccupations des potières est la commercialisation de leurs produits aussi beaucoup de femmes ne produisent plus que des ustensiles pour l'usage familial notamment les plats pour rouler le couscous. Ouardia est une octogénaire qui a appris l'art de la poterie de sa mère et l'a transmis à ses filles. Elle nous a accueillis chez elle pour nous montrer et nous expliquer les étapes de la fabrication d'une poterie. Tout d'abord, il faut de la bonne argile. Elle va la chercher dans des endroits qu'elle connaît très bien, il faut creuser un peu pour atteindre l'argile. Quand une source est épuisée elle en cherche une autre en creusant plusieurs fois avant de tomber sur la bonne. L'argile ramassée est séchée puis réduite en poudre. Elle lui mélange ensuite «afrour» un produit obtenu par la réduction en sable d'une vieille poterie cassée. «C'est pour que la poterie ne se fissure pas à la cuisson», nous dit-elle. Aujourd'hui, les potiers utilisent du sable à la place de ce produit. Elle rajoute de l'eau jusqu'à obtention d'une pâte lisse et malléable et la travaille comme le pain. «Il faut travailler la pâte avec amour sinon vous ne réussirez pas vos poteries», explique notre potière. Le mélange est ensuite divisé en boules. Pour réaliser une assiette, elle aplatit une boule et façonne le fond puis elle roule les autres boules pour faire des bandes qu'elle colle sur le fond. Chaque bande est travaillée lissée et collée avec de l'eau avant d'y coller une autre par dessus. La poterie est ensuite lissée par une pierre très lisse appelée «azemzi», c'est cette étape qui déterminera la beauté et la finesse de l'ustensile. Les poteries ainsi obtenues sont mises à sécher pendant trois ou quatre jours à l'air libre mais à l'ombre pour éviter les fissures. Une fois séchée, elles sont décorées avec des produits de la nature. Le rouge est obtenue par une pierre argileuse qui s'appelle «l'maghri» et le blanc par une autre dite «toumlilt». Le noir est une sorte de glaise très fine qu'on trouve difficilement. Ces peintures qui sont les premières que l'homme a utilisées sont fondues dans l'eau et, à l'aide d'une tige dont un bout porte de la laine, on dessine des formes géométriques. La peinture doit, elle aussi, sécher pendant une journée puis c'est la cuisson. Ouardia nous dit que cette opération doit se passer à l'aube. La production de la poterie se faisant durant l'été à partir du mois de juin, il est plus logique de procéder à la cuisson quand il fait encore frais. Notre potière a déjà tout préparé. Elle a fait des «tichichine» qui sont de la bouse de vache mélangée à du foin, aplaties puis mises à sécher. Elle creuse un trou suffisamment profond dans le sol et pose ses poteries, elle les recouvre avec «tichichine» qui sont très inflammables et ne pèsent pas sur les ustensiles et termine avec du bois de figuier connu pour sa légèreté et donc ne risque pas de briser les poteries. Le feu est allumé et il ne reste plus qu'à attendre qu'il se consume pour retirer des belles poteries toutes rouges et qui donnent à la cuisine une saveur particulière. La poterie est un patrimoine qui doit être sauvegardé en aidant les potiers à vendre leurs produits et perpétuer leur métier.