«Il me dit toujours qu?il me tuera», dit-elle, alors que des larmes s?échappent de ses yeux. Baya, 47 ans, mère de trois grands enfants dont deux sont à l?université, subit périodiquement les violences de son mari, un commerçant de 52 ans. Pour ne pas ameuter le voisinage, elle encaisse en silence les coups qu?il lui porte, la plupart du temps à l?aide d?un bâton. Une fois où il était particulièrement violent, ayant découvert qu?elle lui avait dérobé une petite somme d?argent, selon ses dires, il la laissa pour morte dans la cuisine où elle s?était refugiée. Quand elle put se lever, elle se couvrit d?un voile et sortit précipitamment pour se rendre chez son frère, le seul survivant de sa famille. Elle arriva chez ce dernier en pleurs, les deux yeux tuméfiés. Ses épaules, ses bras et son dos portaient de larges ecchymoses. «Il ne me donne jamais d?argent pour m?acheter des vêtements, alors, pour me vêtir décemment, je suis obligée de me servir. Pour le moindre dinar manquant, il lève la main sur moi. Je suis son souffre-douleur, et il sait que je n?ai pas où aller. Je jure que s?il continue à me battre, malgré mon âge et mes grands enfants, j?irai me refugier à l?asile des vieillards. Là au moins, je ne serai pas battue? Mais avant, je dois d?abord marier ma fille pour ne pas la laisser derrière moi !» Même histoire, une autre famille De la fenêtre de l?immeuble où habite Sarah, 25 ans, s?élèvent, presque tous les soirs, des cris. La jeune femme est presque quotidiennement rossée par son mari et sa belle-mère, qui lui reprochent ses stations devant la fenêtre ou ses conversations sur le pas de la porte avec ses voisines. «Ils me traitent comme si j?étais une femme légère, avoue-t-elle à ces dernières. Pourtant, je ne fais rien de mal, je m?ennuie. Après les travaux ménagers, je reste à tourner en rond dans ce petit appartement. J?aime parler avec les gens, mais ils veulent que je reste cloîtrée? A plusieurs reprises, mes parents sont venus pour les ramener à la raison, mais ils continuent à me battre? Ils me reprochent aussi de ne pas encore avoir d?enfant après quatre ans de mariage? Ils veulent me dégoûter, pour que je parte? Une fois, durant le ramadan, juste avant le f?tour, la conversation s?est envenimée et mon mari m?a frappée avec un petit banc de bois. Le sang, d?un seul coup, m?a recouvert le visage. Ils ont attendu un bon moment avant de se décider à m?emmener à l?hôpital, où on m?a fait six points de suture. Ma belle mère m?a dit : «?Verse sur la plaie un peu de marc de café et le sang sèchera.?» Samira, 30 ans, a, quant à elle, décidé de réagir. Avocate et mariée à un homme de 40 ans, de même profession, elle a demandé le divorce après avoir subi régulièrement les mauvais traitements de son mari. «Il est maladivement jaloux et va jusqu?à me suivre lors de mes démarches professionnelles. Le moindre coup de fil de mes collègues devient pour lui suspect. Il me mène une vie d?enfer. Quand je lui tiens tête, il n?hésite pas à me battre. Parfois, je vais aux audiences en portant des lunettes de soleil pour cacher un ?il au beurre noir. Heureusement, mes vêtements cachent les ecchymoses qui couvrent mes bras et mon dos. Je n?en peux plus. Je lui ai pardonné à plusieurs reprises, mais c?est trop.» Et les exemples ne manquent pas. Wafa, une petite jeune fille de 16 ans, a fugué à deux reprises de la maison paternelle pour fuir les coups de poing de son frère, qui lui interdit formellement de mettre le pied dehors. Heureusement pour elle, elle a été recueillie presque immédiatement par les services sociaux qui l?ont ramenée chez elle sans dommage. Elle vit comme dans une prison. «C?est en se comportant ainsi qu?il me pousse à faire des bêtises. Mon père est mort il y a cinq ans et ma mère laisse mon frère me battre comme il le veut : ?Oui, bats-la pour qu?elle reste sérieuse et qu?elle apprenne à baisser la tête.? Alors il en profite pour jouer au tyran.» C?est avec un tuyau en caoutchouc que la pauvre Samira est corrigée par son frère si elle reçoit un coup de fil d?une amie ou si elle ose faire seule une promenade dans le quartier. «Il me dit toujours qu?il me tuera.» De grosses larmes coulent sur ses joues enfantines. «Il charge ses copains de me surveiller et j?ai dû quitter le collège, car je n?en pouvais plus !» Ses jambes et ses bras présentent des traces rouges, faites par le tuyau.