Nécessité n La plupart des revendeurs de thé rencontrés, ont souligné qu'ils sont venus au nord pour gagner leur vie. Depuis trois ans, il n'est pas du tout rare de se faire aborder au détour d'une rue ou d'un boulevard par un «frère» du Sud qui vous propose un thé sahraoui «bien dosé». Ils seraient une centaine à sillonner les boulevards d'Alger pour proposer leur breuvage. Leurs lieux préférés sont les endroits publics (jardins, placettes…). «En venant ici, je ne connaissais pas un seul endroit de la capitale. Mais avec le temps, j'ai fini par sélectionner plusieurs quartiers et lieux de rassemblement des gens. J'ai fini même par avoir ma propre clientèle», explique Omar, 33 ans, l'un des premiers revendeurs de thé, selon lui, rencontré à la gare routière de Tafourah où il travaille régulièrement. Omar, petit, brun et fluet, est à Alger depuis deux ans et demi. Il est venu d'Adrar. «L'idée n'était pas de moi. Certains de mes concitoyens ont essayé d'exercer ce métier dans d'autres grandes métropoles comme Oran, Constantine, Annaba…). Encouragé par leur aventure, j'ai décidé d'investir la capitale boudée par mes collègues, car ayant des préjugés que les Algérois ne sont pas hospitaliers… Mais j'ai fini par découvrir que tous les Algériens sont pareils et qu'ils ont tous la même mentalité.» Laquelle ? «Ils sont hostiles en apparence, mais deviennent doux et tolérants une fois qu'ils découvrent le tempérament et la mentalité de l'autre...», nous a dit Omar. Dans son petit village à Adrar, Omar raconte que les gens vivent grâce à la protection et à la «Koudra d'Allah». «Nous n'avons pas où aller, nous n'avons pas où travailler. Notre quotidien est un véritable enfer. La plupart des habitants de mon village sahraoui travaillent leurs rares parcelles de terre où ils cultivent des fruits et légumes saisonniers qu'ils mangent ou revendent. Ce sont souvent nos parents qui exercent ce métier. Pour les jeunes, qui n'aiment pas le travail de la terre ; ce sont l'oisiveté et la monotonie qui les rongent à petit feu. Ils sont du matin au soir dans les cafés ou dans les rares oasis pour profiter de l'ombre et de la fraîcheur. C'est vrai que les plaisirs de la vie citadine ne nous allèchent pas au quotidien comme c'est le cas chez vous au Nord, mais nous somme jeunes et nous avons tout de même besoin d'argent de poche comme tout le monde», explique-t-il. Aïssa, un autre vendeur de thé, originaire de Timimoun, est à Alger depuis six mois. Ce jeune de 21 ans a été encouragé par un cousin qui est à Alger depuis un an et demi. «Je suis ici pour survivre. Chez nous nous n'avons pas de travail. Ni usines, ni chantiers, ni commerces, ni touristes… rien. Alors venir à Alger et vendre une boisson spécifique à notre région, le thé sahraoui, est le seul moyen de gagner ma vie…», dit-il. Les vendeurs de thé disent qu'ils sont une centaine à Alger à proposer leur boisson aux habitants de la capitale. «C'est devenu un véritable phénomène chez nous. Les jeunes oisifs veulent tous venir vendre le thé. C'est un métier qui ne demande pas trop de moyens et qui les fait vivre.» Beaucoup d'entre eux envoient régulièrement de l'argent à leur famille restée au Sud. «Nous sommes des émigrés dans notre propre pays», se désole Aïssa.