Résumé de la 1re partie n Louise Jay et Ernest Cognacq, partis de rien, se retrouvent à la tête des magasins de La Samaritaine... Ni Ernest ni Louise ne se passionnent le moins du monde pour l'art. Ils n'achètent que des valeurs sûres, sur les conseils d'experts ayant pignon sur rue et garantissant chaque acquisition «sur facture». Ernest Cognacq commence par acheter des impressionnistes, bien qu'il ne comprenne rien à leurs audaces. Puis, un jour, il bazarde tout sauf les Degas, les Monet et les Boudin pour se consacrer uniquement au XVIIIe siècle, aidé par un marchand spécialiste : M. Jonas. En suivant ses conseils, les Cognacq-Jay accumulent dans leurs vitrines des boîtes précieuses. Ils couvrent leurs murs de tableaux, alignent les pendules en bronze doré. Tout est déposé sans aucune idée de mise en valeur, au touche-touche... Ils décident alors de fonder un musée. Les deux époux sont pourtant si loin de la grâce des Watteau qu'ils accumulent avec acharnement... Ernest choisit des tableaux de «petites femmes», Louise se couche dans un lit doré à baldaquin de damas bleu pâle... Mais les années passent et la vue d'Ernest baisse. Il ne distingue plus ses toiles les unes des autres. Alors il se contente de les caresser. Ernest et Louise n'ont pas d'enfant réel pour perpétuer leur œuvre. Heureusement, un neveu Cognacq semble pouvoir faire un successeur possible. Hélas ! alors qu'ils le forment dans cette perspective, le coquin épouse une employée de la Samaritaine. Il est immédiatement congédié. Un neveu Jay est alors choisi, mais il entre dans les ordres, un troisième se révèle inférieur à l'ampleur de la tâche ; un quatrième accepte d'être arraché à sa mère, pour devenir l'héritier. C'est Gabriel Cognacq. Il se met au travail comme on entre en religion. Mais lui, contrairement à Ernest et Louise, a une passion pour les arts et l'instinct du beau. Gabriel est formé à la dure. Il vit, jour et nuit, sous la surveillance de ses oncle et tante, tout en poursuivant des études de droit. En 1914, quand il est mobilisé, Ernest et Louise lui suppriment son salaire ! Il revient de la guerre officier et couvert de citations. Les affaires prospèrent régulièrement. En 1925, quand Ernest meurt, le chiffre d'affaires dépasse le milliard. Gabriel devient alors le patron de cette entreprise prestigieuse et du musée somptueux qui semblent nés du caprice de dieux pleins d'humour. Bien que marié et père de famille, il se transforme en une sorte de vestale d'une collection qui échappe au regard des étrangers. Lui aussi collectionne les gravures et les livres rares. Il est mécène, homme de goût, sensible aux problèmes des autres. Il aide le sculpteur Bourdelle, met l'écrivain André Suarès à l'abri du besoin, en le logeant. Il faut songer à la prochaine génération (à suivre...)