Gâchis n Le vieux ksar de Beni Abbès n'est plus, depuis quelques années, cette merveille qui laissait ses innombrables visiteurs émerveillés devant le génie des anciens habitants de l'oasis. La terre cuite, la glaise et le bois utilisés pour construire le vieux ksar de Béni Abbès où habitaient près de 600 personnes il y a un siècle, sont remplacés par le béton, la ferraille et… le parpaing. «Nous ne sommes pas responsables», se défend un jeune guide qui explique cette situation par le fait que les autorités concernées (la direction du tourisme notamment) n'ont pas dégagé une enveloppe financière suffisante pour la restauration du site historique. «Elles n'ont pas non plus, ajoute le guide, confié les travaux de restauration à une équipe spécialisée comme cela se fait dans d'autres pays arabes, à l'image de l'Egypte et du Maroc, où le souci des autorités de préserver les monuments historiques les amène à recourir même au savoir-faire d'experts étrangers». Résultat : le ksar de Béni Abbès a perdu son cachet historique. Ce qui n'échappe pas aux touristes étrangers qui continuent tout de même à visiter l'oasis. Alain, un Français, constate d'emblée les dégâts et semble avoir bien compris les causes du désastre. «C'est malheureux ! Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est le fait que les personnes qui ont procédé à la restauration de ce site n'ont aucune qualification dans le domaine ! Ils auraient pu, par exemple, restaurer le ksar avec des matériaux traditionnels disponibles dans la région (terre, bois, palmes)», s'indigne ce touriste qui affirme être un habitué des lieux puisqu'il en est à sa septième visite à Beni Abbès. Ce n'est pas pour autant qu'il changera ses habitudes car, dit-il, il subsiste encore le charme brut et sauvage de l'oasis contre lequel la bêtise humaine ne peut rien… Il continuera, donc à visiter Béni Abbès. Le ksar de Beni Abbès se distingue surtout par son système d'irrigation mis au point par les anciens pour ne pas perdre une seule goutte d'eau, un élément très rare et très précieux pour la région. Les eaux souterraines, puisées dans des forages, étaient ainsi divisées par les dizaines de propriétaires de carrés cultivés dans l'oasis. Des retenues d'eau ont été construites aux quatre coins de l'oasis et l'irrigation des carrés de fèves, de tomates, de pommes de terre et autres légumes étaient régulièrement irrigués à tour de rôle selon la disponibilité du précieux liquide. Aujourd'hui déserté par ses habitants, le vieux ksar n'est que ruines. Mais son aspect architectural est unique. Selon notre guide, les rapports sociaux entre les familles étaient très organisés. Il y avait, d'abord, le groupe (djamaâ), présidé par «le sage des sages» de la communauté, souvent le plus âgé et le plus savant en matière du Coran et de la Sunna du prophète (QSSSL). Tous les problèmes étaient réglés dans ce qu'on appelait «annar», le terrain. Une espèce de grand salon à ciel ouvert au milieu du ksar où se réunissaient tous les chefs de famille pour régler les contentieux et les litiges. Il y avait aussi un espace réservé exclusivement aux femmes pour se réunir le soir et discuter en toute intimité… Les pièces dans le ksar sont simples, spacieuses et bien aérées par un système placé dans le toit de chaque maison. Il s'agit d'un petit carré ouvert mais doté d'une petite dalle pour empêcher la poussière de pénétrer lors des vents de sables fréquents dans la région. Aujourd'hui, les habitants de Beni Abbès veulent que les autorités s'activent pour que le ksar soit classé par l'Unesco patrimoine universel, à l'instar du ksar de Taghit. Ce qui amènerait l'organisation mondiale à dégager une enveloppe financière pour la restauration de ce patrimoine architectural unique.