Résumé de la 26e partie n En dix années de travail dans ce journal, Fait Divers ne s'est lié d'amitié avec personne, mais il pense qu'on doit le respecter. Ce matin, tandis qu'il rumine sa rancœur, il entend ses collègues discuter. Comme d'habitude, on parle de la situation du pays confronté à de multiples conflits sociaux et à des problèmes de sécurité. Il tend l'oreille, mais personne ne parle d'augmentation. Lui, ce qui l'intéresse, c'est qu'on l'augmente ! Son salaire ne lui suffit plus et il a de plus en plus de mal à boucler ses fins de mois… On parle aussi des derniers attentats à la bombe et de massacres commis dans des villages et des bourgs de l'intérieur. — C'est atroce, ces femmes et ces enfants qu'on brûle… — Les images que la télévision a diffusées, hier, sont insoutenables ! Une jeune femme frémit. — Vous avez pu voir ces images ? — Bien sûr qu'il faut les voir… Cela montre le visage hideux du terrorisme ! Une polémique s'engage. Faut-il, oui ou non, diffuser les images de la terreur ? — Moi, dit quelqu'un, je pense qu'il faut les diffuser, il faut prendre l'opinion publique à témoin des atrocités ! — Et moi, dit un autre, on fait de la publicité à la terreur ! — Je crois qu'on devrait discuter de la question ! — C'est vrai, cela demande de la réflexion… — Il faut savoir peser le pour et le contre… C'est alors que quelqu'un dit que des journalistes d'un journal concurrent ont reçu des lettres de menace. Le blanc-bec de la rubrique politique fait alors cette réflexion : «Ce sont les journalistes qui sont menacés !». Fait Divers sursaute : dans son esprit de petit journaliste opprimé, une idée vient de jaillir. Et si, pour se venger de ces gens qui se sont toujours moqués de lui, il leur envoyait des lettres de menaces ? Cela ne doit pas être difficile à rédiger : quelques formules percutantes et quelques indications pour montrer à la victime qu'on connaît ses habitudes et qu'on la surveille… Le soir, à la maison, tandis que les enfants dorment dans leur chambre et que sa femme regarde la télévision, il se met à ce qu'il appelle son «bureau», une ancienne table d'écolier avec une chaise toute branlante. il s'applique à rédiger trois lettres : une pour le blanc-bec, les deux autres à des journalistes qui se sont montrés désagréables avec lui ces derniers jours. Il les lit deux fois, s'assure que son écriture est méconnaissable, essuie ses empreintes et les glisse dans des enveloppes. «On va bien rire !», se dit-il. Au lit, il reste éveillé pendant une bonne partie de la nuit, pensant avec une joie sadique à la terreur qu'il va déclencher. Le bureau de poste n'est distant du journal que de quelques mètres, mais les lettres mettent trois jours pour parvenir à leurs destinataires. De son coin, Fait Divers guette le moindre changement dans le comportement de ses victimes. (à suivre...)