Résumé de la 1re partie n Après s'être passionné pour les œuvres du XVIIIe siècle, Jacques Doucet se met à collectionner des Matisse, des Picasso et même à s'intéresser à l'art africain... Simultanément, il se met à acquérir des ouvrages rares concernant les arts et commence à constituer ce qui sera plus tard sa bibliothèque d'art et d'archéologie, ainsi qu'une somptueuse bibliothèque littéraire. Pour lui servir de conseiller, il engage et paye généreusement l'écrivain André Suarès. Il s'établit entre eux un système très original de conseil-relation. Quand Suarès estime qu'un auteur, qu'un peintre présente de l'intérêt, il adresse à Doucet un courrier concernant cet artiste. C'est à la longueur de cette lettre que Doucet juge de l'importance de l'artiste. Il renvoie par retour du courrier un chèque, destiné à l'acquisition des œuvres en question et aux honoraires de Suarès. Il est amené, pour abriter sa bibliothèque de plus en plus envahissante, à acheter six appartements supplémentaires dans son quartier, l'avenue Foch. Mais tout cela coûte trop cher, et il fait don de sa bibliothèque à l'université de Paris pour régler des problèmes d'impôts. Il engage, en pleine guerre de 14-18, Pierre Legrain, un décorateur au chômage et, pour lui créer un emploi, le charge d'exécuter des reliures pour ses ouvrages d'art. Ce sera le début d'un nouvel âge d'or de la reliure. Puis il finit par épouser son ancienne maîtresse, vieillie mais toujours belle. Elle s'attend à ce qu'il lui soit fidèle, mais lui, à près de soixante-dix ans, s'en garde bien et se fait installer des petits appartements très privés pour abriter ses amours passagères et ses nouvelles collections de meubles et d'objets d'art ultramodernes. C'est l'époque où André Breton, le pape du surréalisme, devient à son tour «conseiller artistique» de ce collectionneur munificent. Dorénavant, ce sont des Picasso, des Delaunay, des Max Ernst, des cubistes et, bien entendu, des surréalistes qui ornent les murs de Doucet jusqu'au jour où il s'avise de lire un des pamphlets sulfureux qu'écrit Breton. Il s'agit d'une démolition en règle d'Anatole France, intitulée Un cadavre. Breton, convoqué sur-le-champ, est remercié immédiatement. Tout cela revient cher, encore une fois. Il vend sa maison de couture. Il a la malencontreuse idée de placer son argent en fonds de l'État français, et les dévaluations successives mettent sa fortune en fâcheuse posture. Doucet, barbu toujours séduisant, meurt en 1929 ; mais il ne lègue pas sa collection au Louvre, à part la Charmeuse de serpents du Douanier Rousseau et une esquisse du Cirque de Seurat. Les tenants de l'art officiel, littéralement horrifiés par les tableaux qui ornaient l'appartement de Doucet, laissent partir vers l'Amérique les fameuses Demoiselles d'Avignon de Picasso, toile qui marque le début du cubisme et que Doucet avait payée 25 000 francs par traites mensuelles... de 2 000 francs. Doucet laisse une veuve, qui disparaît à son tour. Ce n'est qu'en 1972 et 1973 qu'on assiste à nouveau à une prestigieuse «vente Doucet». Doucet, qui survit dans les bibliothèques auxquelles il a attaché son nom, constituées de livres qu'il n'avait jamais eu le loisir ni la curiosité de lire.