Vertu n Conséquence directe de la nourriture des ovins au chih, la viande est d'une qualité et d'une saveur particulières. Quiconque connaît la région de Aïn Oulmène (sud de la wilaya de Sétif) manque rarement, lorsqu'il s'y rend ou s'y trouve de passage, d'aller déguster quelques brochettes grillées confectionnées au moyen de petits morceaux d'une succulente viande d'agneau. Située à une trentaine de km à peine de la capitale des Hauts-Plateaux, la localité de Aïn Oulmène, célèbre pour la qualité exceptionnelle de sa viande de mouton, marque le début des territoires pâturés qui prennent naissance dans les hautes plaines sétifiennes pour rejoindre les grandes étendues steppiques des wilayas de M'sila et de Djelfa. L'élevage ovin y a de tout temps prospéré et le mouton de ces régions, essentiellement nourri au chih (armoise blanche, appelée aussi thym des steppes), se singularise par une chair très goûteuse. La qualité et la saveur de la viande ne sont pourtant pas les seules raisons de l'engouement marqué pour la brochette grillée «made in Aïn Oulmène». Il y a aussi l'accueil des maîtres de céans et cette ambiance particulière qui règne, été comme hiver, dans les petites (et nombreuses) échoppes spécialisées de la ville, notamment dans l'étroite boutique de Ahmed Herbadji qui y officie depuis plus de trente ans. Les deux braseros disposés à même la façade étriquée de l'endroit font continuellement crépiter leurs braises au-dessous de dizaines de brochettes qui diffusent à longueur de journée d'appétissantes exhalaisons de viande et d'abats grillés. La vitesse de cuisson des brochettes arrive, comme par miracle, à répondre sans coup férir au rythme «démentiel» des commandes car dès les premières heures de la matinée jusqu'à la tombée du jour, le petit restaurant de Ahmed Herbadji ne désemplit pas. Mieux, pour se faire une petite place sur l'un des quatre bancs qui longent la boutique et pouvoir enfin commencer (en attendant la «livraison») par tremper un bout de pain dans un savoureux mélange de harissa et de cumin), il faut souvent attendre 10 bonnes minutes en surveillant du coin de l'œil les clients qui paraissent sur le point d'achever leurs agapes. L'attente, agrémentée de l'irrésistible fumet des brochettes en train de cuire, met davantage en appétit les clients qui en profitent pour «discuter le bout de gras» avec le patron. Aux petits soins avec ses clients, ce dernier ne perd pourtant pas de vue les deux braseros, tournant et retournant les brochettes pour qu'elles soient à point. L'autre particularité liée à la dégustation de la brochette de Aïn Oulmène a trait au service. En effet, contrairement aux usages en pratique partout ailleurs, ici le client n'a pas à passer de commande. Il se contentera de s'asseoir, de patienter en grignotant un bout de pain à la harissa et d'attendre que le serveur, muni d'une impressionnante «gerbe» de brochettes fumantes, en dépose une partie dans son assiette. Cela continue ainsi jusqu'à ce que le client, repu, jette l'éponge.