Résumé de la 46e partie n Slimane va enfin raconter à sa femme l'origine de la malédiction qui, croit-il, frappe sa famille depuis trois générations ! Slimane appelle ses enfants. — Vous aussi, je veux que vous soyez au courant de l'histoire de notre famille. Il respire profondément. — La malédiction frappe notre famille depuis trois générations, mais je sais qu'elle va s'arrêter à moi… L'aveugle avait dit à mon grand-père : vous mourrez ainsi que vos enfants mâles et les enfants de vos enfants à l'âge où je meurs ! Ni Fatma ni ses fils ne comprennent de quoi il s'agit. — De quel aveugle parles-tu ? — De celui qui a proféré la malédiction ! Mais il me faut commencer dès le début. Il s'éclaircit la voix. — Cela s'est passé dans la jeunesse de mon grand-père… Il avait une quinzaine d'années et il était avec deux jeunes vauriens. Ils faisaient des bêtises, chapardaient dans les jardins, mais rien de bien grave… Jusqu'au jour où ils se sont emparés de la chèvre d'un aveugle… C'était le seul bien qu'il possédait et il l'emmenait paître chaque jour. Quand elle mettait bas, sa femme élevait le cabri, puis le vendait. Ils avaient aussi du lait… Mon grand-père et ses deux compagnons ont égorgé la chèvre, ils en ont fait rôtir une partie et l'ont mangée et ont jeté le reste aux chiens… En apprenant ce qui s'était passé, l'aveugle a été si choqué qu'il en est tombé malade. Son état n'a cessé de se dégrader. Avant d'agoniser, il a prononcé une malédiction : «Que ceux qui ont fait cela meurent à l'âge où je meurs, que leurs enfants mâles et les enfants mâles de leurs enfants meurent aussi à cet âge-là !» Et il a rendu l'âme…Tout s'est passé comme l'aveugle l'avait prédit : mon grand-père est mort à cinquante-cinq ans, puis ses deux fils, mon père et mon oncle Chaâbane… Pour l'oncle, la malédiction est close puisqu'il n'a eu que des filles mais pour moi, elle continue… Les anciens camarades de mon grand-père ont connu le même sort que lui… Ils sont morts ainsi que leurs enfants et leurs petits-enfants mâles. Voilà toute l'histoire. Mon tour est venu de payer la faute de mon aïeul ! Slimane se tait. Fatma est émue. Djaâfar, le fils aîné, s'écrie : — C'est ça qui te fait peur ? C'est irraisonnable ! — Et tous ces morts ? demande Slimane — Tous ces hommes morts à cinquante-cinq ans ! Ce ne sont que des coïncidences… Beaucoup de gens meurent à cet âge ! Voyons, père, je te croyais plus raisonnable que cela ! Les autres fils aussi grondent leur père. — Oublie cette pénible histoire ! à cinquante-cinq ans, on a encore toute la vie devant soi ! Mais Slimane n'oublie pas la malédiction, car il croit réellement qu'il va mourir. A deux jours de la date fatidique, il se met au lit et refuse de se lever. Le jour même de son anniversaire, il décède. «Crise cardiaque» a dit le médecin. «La malédiction !» s'est écriée Fatma. Elle y croit enfin. Mais les enfants, bien que secoués, essayent de trouver une explication rationnelle : — Il s'est mis dans l'idée qu'il allait mourir et il est mort !