Habitude n Si le ramadan est le mois de l'abstinence, de la chasteté et du pardon, il n'en demeure pas moins qu'il s'accompagne, chez certains, de nervosité et autres comportements négatifs. Durant ce mois, les Algériens sont disposés à «exploser»à la moindre provocation. Les scènes d'injures, de disputes et de bagarres font partie depuis longtemps du décor de nos marchés durant le ramadan. «C'est comme un virus saisonnier», plaisante un boulanger à Belcourt. Devant son magasin, une file de plusieurs mètres s'est déjà formée à 15 heures. «Ils sont là, l'esprit ailleurs, le regard dur et prêts à réagir à la moindre provocation», souligne ce boulanger quinquagénaire qui affirme que depuis le début du ramadan, il a déjà assisté à 5 disputes entre les clients faisant la chaîne devant son commerce. «Avant-hier, c'est une femme d'un âge certain qui s'est accrochée avec une jeune-fille car cette dernière a voulu lui prendre sa place dans la file. La dame n'a même pas essayé de s'expliquer avec la jeune fille. Elle l'a directement prise par les cheveux et l'a traînée par terre. La jeune fille, surprise au début, a immédiatement réagi en frappant de toutes ses forces la dame… S'ensuivent des injures, des noms d'oiseaux et des grossièretés...», témoigne notre interlocuteur qui reconnaît tout de même que les querelles entre femmes sont rares… Il se désole du fait que certains Algériens renouent automatiquement avec la nervosité durant ce mois sacré. Selon lui, ce sont surtout les après-midi que certains pères de famille tenaillés par la faim et fatigués par une journée difficile passée dans un bureau ou dans un atelier, laissent éclater leur colère devant les boulangeries, les épiceries, les étals de légumes et fruits ou dans les moyens de transport en commun. Il suffit d'un rien pour que l'Algérien se laisse emporter et perde raison pour aller jusqu'à agresser son prochain physiquement. Ce qui accentue cette nervosité, c'est l'empressement des gens à faire leurs achats. «Manger avec ses yeux», est une expression typiquement algérienne. A l'arrivée du ramadan, nos concitoyens changent soudainement leurs habitudes alimentaires. Certains, dès 8h, sont déjà au marché. «C'est psychologique. Ils ont peur que la marchandise ne s'épuise...», explique un jeune vendeur de poulets au marché de Bab El-Oued qui dit qu'avant même 14 heures, il lui reste ni poulet ni abats d'ailleurs. Une autre habitude alimentaire propre à ce mois sacré : à l'approche de l'heure de la rupture, les boulangeries surtout sont assaillies. «Des heures avant la rupture du jeûne, des queues se forment devant les boulangeries. Mais pourquoi tant d'empressement alors qu'il existe des boulangeries partout et que le pain est vendu même dans les épiceries ? «Il s'agit du pain tout de même. Pouvez-vous rompre le jeûne sans pain ? Il est indispensable sur nos tables et, souvent, l'après- midi, il manque dans les boulangeries des quartiers», explique un père de famille rencontré devant une boulangerie à Alger-Centre. Pour le malheureux boulanger, c'est la pagaille. Il est assailli de partout, de nombreuses voix à la fois s'élèvent : «Rends-moi ma monnaie, l'heure du f'tour approche!» ou encore : «Je suis avant lui, tu ne vois pas bien ou quoi ?...». Les vendeurs, dépassés, ont du mal à calmer les esprits et risquent même parfois de se tromper en rendant la monnaie…