Milo : tout le monde connaît ce nom, grâce à l'un des trésors du Louvre, la fameuse Vénus de Milo. Milo est une île du sud-ouest de l'archipel des Cyclades, grecque par conséquent. Elle n'est ni grande, ni belle, ni peuplée, et c'est un ancien volcan éteint qui forme sa rade. Son histoire antique est modeste : elle choisit Sparte contre Athènes, et celle-ci, victorieuse, se chargea de faire payer cette erreur politique à ses habitants... Nous voilà au début du XIXe siècle. La Grèce est encore dominée par les Turcs. Mais l'île de Milo, elle, est sous protectorat bavarois. Pour une raison bizarre : un archéologue bavarois, le baron de Haller s'intéressait aux fouilles afin d'enrichir ses propres collections et celles des musées avec lesquels il collaborait. En 1814, le baron de Haller découvre sur l'île un théâtre antique, et les morceaux de sculptures qu'il met au jour sont prometteurs. Il informe de ces belles découvertes la cour de Bavière et, sans hésiter, cette cour ducale... achète l'île. Les années passent... 1820 : un paysan laboure son champ. Il se nomme Yorgos. Le terrain qu'il s'est mis en tête d'aménager est assez difficile, car on y voit la trace d'anciens caveaux funéraires. Ce ne sont que trous et bosses, et son seul souci est d'aplanir le terrain au maximum. Soudain, sa charrue met au jour des morceaux de marbre. Non loin de là, il y a des ronces, des éboulements de pierres ; Yorgos comprend qu'il est tombé sur ce qui fut autrefois une niche, sans doute construite pour y abriter la statue d'un Dieu ou d'une déesse. Yorgos, tout paysan qu'il est, sait qu'on met parfois au jour des objets, des vases ou des statues qui sont appréciés par les amateurs, en général étrangers. Il creuse donc, et il découvre effectivement une statue brisée en deux. Nom de Zeus, que c'est lourd ! Mais il se garde bien d'appeler à l'aide. Moins il y aura de personnes au courant de sa trouvaille, mieux il se portera... Alors, au prix d'efforts surhumains, Yorgos parvient à transporter le haut de la statue jusqu'à une étable, où il le dissimule. Il laisse le bas sur place. Une fois la chose faite, il se dit qu'il faudra bien parler de sa découverte à quelqu'un, s'il veut la monnayer. A qui ? Il y a dans l'île un consul de France, nommé Louis Brest. Il est né en Grèce, parle parfaitement la langue, et connaît la mentalité des habitants. Yorgos prend discrètement contact avec Brest et lui propose, pour un prix modique, de lui vendre sa statue. Brest estime qu'il doit en référer aux autorités supérieures, en l'occurrence, l'ambassadeur de France à Constantinople, puisque c'est la Turquie qui, politiquement, règne sur la Grèce. L'ambassadeur se nomme le marquis de Rivière. Quelque temps plus tard, un navire français aborde dans l'île de Milo. Il s'agit d'une gabare, «la Chevrette», qui poursuit une mission hydrographique dans l'archipel. A bord de «la Chevrette», un jeune officier : Jules Dumont d'Urville. Pour l'instant, il est en début de carrière et ne se doute pas qu'il se rendra plus tard célèbre, en retrouvant dans le Pacifique les restes de la malheureuse expédition de «La Pérouse», disparue corps et biens. Dumont d'Urville, mis au courant de la découverte, se rend à l'étable pour examiner le haut de la statue, puis il continue dans le champ pour regarder le bas de l'œuvre, resté sur place. Il prend la précaution de vérifier qu'il s'agit bien de deux fragments de la même statue. Puis il remonte sur «la Chevrette» qui rentre à... Constantinople. (à suivre...)