Exiguïté n Pour occuper une place au marché de Bab El-Oued durant le ramadan, il faut se lever tôt. Si, durant le reste de l'année, les jeunes vendeurs se permettent parfois de faire la grasse matinée, il n'en est pas de même durant le ramadan. La concurrence féroce et la perspective du gain rapide les incitent à sacrifier quelques heures de sommeil. Il faut se lever avant les autres. Parfois même avant l'aube, des dizaines de jeunes commencent déjà à installer leurs étals. «Ici c'est la jungle ! Depuis que la commune nous a laissés vendre librement et depuis que la grève des commerçants déclarés n'a rien donné, des dizaines et des dizaines de vendeurs sont venus d'un peu partout pour exercer ici. Car ils savent que ce marché est très fréquenté et ce phénomène s'est accentué durant le ramadan où c'est presque tout le monde qui a changé d'activité pour se spécialiser dans l'alimentation générale, les fruits et légumes, la z'labia, la galette traditionnelle, les m'hadjeb, les diouls, le pain ...», explique Hamza, un jeune vendeur de raisins. On y trouve des vendeurs de tous âges, du septuagénaire solitaire étalant ses m'hadjeb au jeune écolier profitant des vacances scolaires pour écouler son pain traditionnel préparé par sa famille. Depuis le début du ramadan, tous les coins de ce quartier populaire sont animés d'une manière inhabituelle. Pour les passants, il est très difficile de se frayer un chemin. De petits étals de fortune ont poussé un peu partout aux environs du marché. Même sur les escaliers menant à l'enceinte du marché couvert grouillent de monde. Un peu plus haut, aux rues Saïd-Touati et Colonel-Lotfi, les étals sont collés les uns aux autres. Les jeunes vendeurs créent une véritable bousculade, gênant considérablement les passants et les habitués du marché. «C'est un véritable souk ici, tout le monde bouge en même temps et dans tous les sens, créant une anarchie et une confusion totales. Les vendeurs sont les premiers à gêner car ils se déplacent avec leurs cartons de marchandises dans les couloirs réservés aux clients les contraignant ainsi à les éviter au détriment d'autres passants, ce qui constitue une aubaine pour les voleurs à la tire…», explique un habitué des lieux. Il n'est pas rare, en effet, de voir un adolescent courant à toute allure pour échapper aux passants et à la police. «Des scènes pareilles sont fréquentes dans ce marché. Des pickpockets, mineurs pour la majorité, foncent à toute vitesse et ne distinguent rien devant eux, l'essentiel pour eux étant d'échapper à la police après leur forfait», témoigne un vendeur. Dans leur fuite, ils heurtent plusieurs passants, parfois des personnes vulnérables qui tombent sur les étals et renversent la marchandise. Le désordre total, quoi. Il arrive que ces petits voleurs soient arrêtés par les vendeurs ou les agents de police en civil, mais certains semblent être intouchables à cause de la menace de représailles qu'ils font peser sur les habitants. «Avant, nous connaissions tous les petits délinquants du quartier. Mais, depuis quelques années, nous avons peur de dénoncer les nouveaux caïds venus de je ne sais où …», se désole Réda, un vendeur de pain à la rue Colonel-Lotfi, l'une des plus dangereuses de Bab El-Oued. depuis le début du ramadan, 10 agents supplémentaires en civil sont sur le terrain, mais le phénomène subsiste toujours. C'est pourquoi la police songe à recourir à des patrouilles permanentes…