Apparence n Avec son corps frêle, sa démarche lente et son regard hagard, aâmmi Mohammed donne l'impression d'un vieillard. Et pourtant, il n'a que 60 ans. Son fils aîné est catégorique : «S'il a vieilli de la sorte, c'est surtout parce qu'il n'a jamais mangé à sa faim. Au jour d'aujourd'hui d'ailleurs, il continue de se contenter du strict minimum». Aâmmi Mohammed fait partie de cette catégorie de gens qui ont horreur de payer. Comme tout avare qui se respecte, il a la mine crispée à chaque fois qu'il doit passer à la caisse. Pour ceux qui le connaissent, il est la radinerie personnifiée. «A la maison, il lui arrive très souvent de nous demander d'éteindre la lumière la nuit afin d'économiser un peu d'électricité», souligne son fils. Et d'ajouter : «Il déteste tout ce qui fonctionne à l'électricité. Une fois, j'ai acheté un four électrique pour faire plaisir à ma mère. Dès qu'il l'a vu, il a commencé à vociférer. Sur le coup, j'avais franchement l'impression d'avoir ramené une bombe à la maison tellement il était hors de lui. Il a fallu que je restitue le four au magasin qui me l'a vendu pour qu'il se calme». Quand l'un de ses quatre fils a obtenu son baccalauréat, aâmmi Mohammed ne s'est pas empêché de lui faire une remarque des plus désobligeantes, alors qu'il était en train de distribuer des boissons gazeuses à ses proches. «Tu es en train de gaspiller de l'argent», lui a-t-il lancé froidement. Le jeune garçon a encaissé le coup sans broncher, mais il tient rancune à son père au jour d'aujourd'hui. Si elle fait très souvent mal, l'avarice de aâmmi Mohammed fait vraiment rire parfois. «Il n'y a pas si longtemps, il a demandé à un cousin de lui couper les cheveux gratuitement, bien évidemment. Pour ce faire, il a ramené avec lui deux lames, dont l'une avait déjà été utilisée, ainsi qu'une savonnette et un petit bout de savon. Radin qu'il est, il ne s'est pas gêné à demander à mon cousin d'utiliser d'abord la lame usée et le petit bout de savon», raconte encore son fils aîné. Pour ce qui est de la nourriture, notre sexagénaire fait des pieds et des mains pour qu'elle ne soit pas consommée rapidement : «Pour lui, une pastèque doit être impérativement consommée en quatre ou cinq jours.» Sur un autre plan, et quand un voisin ou un proche lui demande de lui prêter une pioche, une scie ou une brouette, il prend toujours le soin de lui faire remarquer : «Fais seulement attention à… cela.» «Pour lui, l'essentiel est que le matériel soit préservé, même si cela doit se faire au détriment de celui qui l'utilise», commente son fils qui croit dur comme fer que l'avarice est héréditaire : «Mon grand-père, que Dieu ait son âme, était pire que mon père, il ne dépensait presque rien.» Pour réaliser des économies, les radins sont de plus en plus nombreux à se connecter sur Internet. Formant une véritable communauté de consommateurs, ils s'échangent les tuyaux et les astuces qui permettent de limiter au maximum les dépenses. De nombreux sites ont été créés à cet effet, les plus fréquentés par les internautes francophones étant : l www.lesradins.com, l www.radins.com, l www.radinsdunet.com ou encore l www.priceminister.com K. I.