Résumé de la 1re partie n Un habitant du village de Aourir apprend à un autre qui convoite le poste de cheik de zaouïa que la fille du marabout serait enceinte ... Moi aussi, je suis marabout, Aomar, et ma famille, celle des Hahial, est au moins l'égale de celle de Sidi Sedik. Continue à faire bonne garde, informe-toi, tu seras récompensé par les douros de la zaouïa lorsque, après le renvoi de Si Mohamed, tu en seras l'oukil et moi le cheik tout-puissant. Le Kabyle s'inclina, les yeux brillant de convoitise — Ce qu'il nous faut connaître encore, ajouta le marabout, c'est le nom de l'amant de Zohra. Cette fille ne sort jamais de la cour de son père, et sa mère ne la quitte ni de jour ni de nuit. Personne n'entre et ne l'approche à l'exception de son frère et de Kara, l'esclave nègre. Ceux-ci font bonne garde. Qui a donc été assez hardi pour braver leur surveillance ou assez riche pour acheter leur silence ? — Je ne sais, répondit le Kabyle ; hier encore, j'ai voulu faire causer Kara, mais ce grand diable de nègre m'a regardé d'un tel air, que je me suis sauvé sans insister davantage. Il a eu un regard mauvais et je sais qu'il est de force à me broyer les reins d'une seule main ; c'est un vrai sauvage du Soudan. — Cherche encore, ami Aomar, cherche toujours lorsque tu auras trouvé, nous ferons un beau tapage. Là-dessus, les deux associés se séparèrent après que le Kabyle eut respectueusement baisé la main du marabout. Ils disparurent bientôt dans les ombres désertes de l'étroite rue du village. Depuis quelque temps, comme vient de nous l'apprendre la conversation des deux Kabyles, la fille du cheik de la zaouïa, le noble et respecté Si Mohamed Aït Sidi Sedik, passait pour être enceinte. Agée déjà de seize ans, son père, par affection pour elle, n'avait point voulu la marier. Il gardait près de lui cette enfant de sa vieillesse, dotée, au dire des femmes qui avaient pu l'approcher, d'une beauté merveilleuse. Il avait refusé les plus riches comme les plus nobles, ne pouvant se lasser des caresses de sa fille chérie et la livrer si gracieuse et si douce aux étreintes brutales d'un mari. Et voilà que cette fille faisait à son honneur l'affront le plus dur que puisse concevoir un Kabyle ! Le peu d'ennemis qu'il avait, les envieux de sa haute situation politique et religieuse, étaient dans la joie. La retraite du cheik de la zaouïa était certaine, obligatoire même, car les tolbas ne voudraient plus d'un maître déshonoré. Le vieux marabout était atterré : les coutumes de son village lui traçaient son devoir ; l'enfant était condamné avant de naître, le père pouvait faire grâce à la fille mère, mais les usages réprouvaient cette mansuétude. Longtemps il hésita ; l'affront était trop grand s'il ne le lavait dans le sang des coupables, il était perdu de réputation, son influence s'écroulait. Son amour pour Zohra l'emporta ; il résolut de la laisser vivre jusqu'à sa délivrance, puis de la faire disparaître du pays en la mariant dans un village éloigné (à suivre...)