Résumé de la 4e partie n Si Mohamed comprend que le père de l'enfant est Kara, son esclave, mais ce dernier réussit à échapper à la violence de la famille du marabout... Les figures de la plupart des assistants étaient tristes ; tous étaient consternés par le malheur inattendu qui frappait une grande famille religieuse ; seules, les rares personnes du «soff» opposé, et parmi elles les deux Kabyles dont nous avons parlé au commencement de ce récit, exultaient. Quelle joie pour eux que l'accablement de l'homme et du père ! Fini le grand marabout ! Fini le professeur aimé des élèves de la zaouïa. La vérité était là, écrasante : une fille de race religieuse aux bras d'un noir! La belle famille que celle des Aït Sidi Seddik ! Le chef des Hahlal était déjà entouré, fêté par ceux qui s'attendaient à partager avec lui les dépouilles de son ennemi et les réserves de la zaouïa. La plus grande partie des habitants et tous les élèves de la zaouïa, qui aimaient leur professeur, restaient silencieux. Ils jugeaient néanmoins sévèrement leur maître qui n'avait pas su efficacement surveiller sa demeure et se montrait bien lent à laver l'affront. Quand donc prendrait-il une résolution énergique ? Il n'avait même pas encore fait disparaître le fruit de ces amours honteuses, et sa fille vivait aussi. Un châtiment exemplaire, terrible, pouvait encore lui rallier l'opinion publique et sauver sa haute situation. Personne, cependant, n'osait l'interroger sur ce qu'il comptait faire. Un silence de réprobation seul planait sur tout le côté de la djemâa occupé par ses partisans. L'autre côté était plus bruyant, on y chuchotait, on ricanait, n'osant encore jeter au front du vieillard l'injure et la boue. Si Mohamed conservait son impassibilité, contenant d'un regard l'impétuosité de son fils, prêt à venger par des coups les allusions et les gestes. Il semblait vouloir boire jusqu'à la lie la coupe amère qui lui était présentée, pour s'affermir dans ses résolutions et, la nuit venue, il se leva, traversa, grave, les groupes hostiles ou sympathiques et s'en fut coucher chez un de ses parents, laissant les femmes seules à la maison. Toutes les matrones venaient rendre visite à la nouvelle accouchée, les unes pour s'apitoyer et pleurer avec la vieille mère, les autres pour railler et se rendre compte de la véracité des bruits qui couraient sur la couleur de l'enfant. Au lever de l'aurore, après la première prière, on vit Si Mohamed Aït Sidi Seddik, traverser à pas lents, grave comme un pontife, la rue de la djemâa. Son fils, Si Amar, l'accompagnait, portant une pioche et une pelle. Puis venaient Zohra et sa mère, tenant enveloppé dans un haïk l'enfant de la honte. Tous les Kabyles présents se levèrent à l'approche de cette sorte de cortège et le suivirent curieux. Zohra se soutenait à peine. Son visage avait la pâleur de la mort, elle marchait inconsciente, machinalement. Seuls, ses yeux inquiets allaient de l'un à l'autre des assistants, comme pour quêter un appui. Tous admiraient à visage découvert sa beauté que n'avaient pu diminuer ni les angoisses ni les douleurs. Elle ne pleurait pas, mais de ses dents entrechoquées par le frisson, s'échappait une plainte continue, faible comme le vagissement d'un enfant. (à suivre...)