Au Liban, un musulman, chiite ou sunnite, ne peut ambitionner d'occuper le poste de président de la République. Cette fonction est réservée exclusivement aux chrétiens maronites. Difficile, pourtant, de parler de discrimination. Les musulmans, au même titre que les innombrables communautés qui peuplent le pays du cèdre, jouissent de tous leurs droits civiques, politiques et autres, et peuvent postuler à n'importe quelle fonction dans l'administration ou les institutions de l'Etat. Sauf celle de chef de l'Etat. Il s'agit, en fait, d'un partage du pouvoir visant à contenter toutes les communautés dont la cohabitation s'avère parfois difficile. La constitution a donc clairement délimité le territoire de chacun. La présidence pour les chrétiens maronites, la chefferie du gouvernement pour les sunnites et la présidence du Parlement aux chiites. Quelles que soient les donnes de la conjoncture politique, ces dispositions sont suivies à la lettre et ne font pas l'objet de contestations. Ce qui donne lieu, parfois, à des règles du jeu politiques assez particulières, pour ne pas dire uniques. Un Parlement à majorité sunnite se voit dirigé par un chiite et siège pour élire un président chrétien ! Malgré plusieurs crises politiques successives et une guerre civile dévastatrice, le système a tenu bon. Le dernier bras de fer en date est celui né, il y a quelques mois, autour de la succession du président Emile Lahoud, en fin de mandat. Le désaccord tournait autour de l'identité du nouveau président et de sa filiation politique. Mais aucune partie n'a remis en cause la nécessité de le choisir dans le camp chrétien. Le système est appelé, cependant, à disparaître à terme. Les accords de Taïf qui ont mis fin à 15 ans de guerre civile en 1989, prévoient la suppression progressive de ce confessionnalisme institutionnel. mais deux décennies après, rien n'est concrètement fait dans ce sens tant la complexité de la carte politique et religieuse du pays s'apparente à un écheveau inextricable. Un chaos généralisé peut surgir à la moindre tentative de bousculer l'ordre établi. Un président musulman au Liban, ce n'est certainement pas pour demain…