Résumé de la 2e partie n Le 18 juin 1940, les Allemands sont proches et «le Jean Bart» est contraint d'appareiller et peut être même de combattre... Pour l'instant, on n'en est pas encore là. Les préparatifs de départ se déroulent comme si de rien n'était. Les trois plus puissants remorqueurs du port, «le Minotaure», «le Titan» et «l'Ursus», ont pris place dans le chenal. Ils repèrent les lieux de leur mieux, sachant que la manœuvre qu'ils vont devoir effectuer cette nuit, sans visibilité ou presque, est à la limite de l'impossible. 15 heures. Le téléphone retentit dans le PC que Ronarc'h a installé à l'intérieur même du «Jean Bart». Au bout du fil, une voix affolée : — Une colonne allemande est en vue de Saint-Nazaire ! — Quand sera-t-elle ici ? — Il n'y a aucune défense dans la ville. Une demi-heure au plus. Le capitaine de vaisseau Ronarc'h sait qu'il est seul à décider. Que faire ? Poursuivre les travaux quand même ou alors faire ouvrir les vannes du bassin de radoub et tenter de sortir tout de suite avec la marée haute ? Ronarc'h préfère d'abord se rendre compte par lui-même de la situation. Il monte au sommet de la plus haute tourelle du navire, colle ses yeux aux puissantes lunettes périscopiques et il pousse aussitôt un cri de joie : la colonne motorisée est anglaise ! 16 heures, 18 heures. Les heures s'écoulent inexorablement. Si dans les entrailles du «Jean Bart» règne une activité fébrile, aux abords des chantiers navals, c'est toujours le calme plat : il n'y a pas un avion dans le ciel, pas un fantassin ennemi signalé. 19 heures. Les énormes portes de la forme de radoub s'ouvrent lentement, l'eau jaillit et la coque du cuirassé s'élève, sans qu'à l'intérieur les ouvriers cessent de travailler. 21 heures. Les chaudières sont mises en marche mais elles s'éteignent aussitôt. Il y a un défaut dans l'installation. Les ouvriers, exténués, travaillant à une cadence folle, ont dû faire une erreur quelconque. On n'a pas le temps de chercher l'origine de la panne. Heureusement, le moteur Diesel de secours a été monté. Il est mis en marche et il fonctionne. C'est avec lui que tout va se jouer. Minuit. La journée du 19 juin commence. Le bassin de radoub est maintenant plein et chacun peut constater que «le Jean Bart» est incliné de plusieurs degrés sur bâbord. Dans des conditions normales, cela n'aurait pas d'importance, mais étant donné qu'il n'aura que dix centimètres d'eau sous la quille, la moindre inclinaison d'un côté ou de l'autre le ferait s'échouer immanquablement. Remettre le navire en équilibre est la tâche de l'ingénieur des constructions navales. Entre les liquides dans les différents réservoirs, les munitions et les équipements mobiles, il y a environ deux cents tonnes qu'on peut déplacer, sur les trente-cinq mille tonnes du bâtiment. Il va falloir les répartir au kilogramme près. L'ingénieur fait ses calculs, donne ses ordres. Pendant ce temps, une petite embarcation circule autour du bateau. Ses occupants examinent avec une lampe électrique les échelles de tirant d'eau peintes de part et d'autre de la coque. Elles doivent être exactement au même niveau. A 2 heures du matin, ils annoncent enfin que tout est parfait. Le grand moment est arrivé ! (à suivre...)