Résumé de la 2e partie n Les travaux du «Jean Bart» vont bientôt se terminer. Les Allemands sont proches, alors Ronac'h décide qu'il lui faut une DCA , mais cela se révéle impossible... Si, à Saint-Nazaire, on met les bouchées doubles, les Allemands ne perdent pas de temps non plus. Le 13 juin, ils sont à Paris ; le 15, ils franchissent la Seine vers Melun et atteignent Avallon ; le 16 juin, les habitants de Saint-Nazaire, consternés, assistent au rembarquement des troupes anglaises. Le 18, très tôt au matin, le téléphone retentit dans la chambre de Pierre-Jean Ronarc'h. C'est l'amiral Michelier, son supérieur direct. — Les Allemands sont à Nantes. Ils seront à Saint-Nazaire dans la journée. Il faut appareiller à la marée de cet après-midi. — C'est impossible, la tranchée n'est pas terminée. — Alors cette nuit, mais pas plus tard. Et l'amiral a raccroché. Il était prévu que «le Jean Bart» appareille l'après-midi du 19. Ce nouvel horaire avance le départ de douze heures. Est-ce que ce sera possible ? Pierre-Jean Ronarc'h se fait conduire auprès de l'ingénieur des ponts et chaussées. Il est sur son chantier où il surveille les travaux qui n'ont pas cessé un seul instant. — L'amiral m'a appelé : nous partons cette nuit. — Nous ne serons pas prêts. Il fallait demander un délai. — Les Allemands ne nous en laissent pas le temps. C'est cette nuit ou jamais. L'ingénieur hoche la tête. Il ne sert à rien de discuter. Il prend ses plans en main, les examine et conclut : — Pour la profondeur, cela ira : vous aurez dix centimètres au-dessous de la quille, mais pour la largeur, je ne peux vous promettre que quarante-cinq mètres au lieu de cinquante... Le capitaine de vaisseau ne discute pas non plus. Il a autre chose à faire de toute urgence. Il retourne au chantier et fait venir l'officier en second du «Jean Bart», pour lui donner ses ordres. — Nous allons peut-être combattre. Que tous les marins montent à bord et prennent place à leurs pièces. Que les ouvriers qui ne sont pas indispensables à la construction débarquent. Prenez dès maintenant les dispositions en vue du sabordage. L'officier en second a écouté, l'air grave, sans mot dire. Le capitaine de vaisseau ajoute enfin : — Hissez les couleurs ! En effet, selon l'usage de la marine, un navire ne peut combattre que s'il arbore son pavillon. «Le Jean Bart» risque fort de livrer son premier et dernier combat à sec, prisonnier dans sa forme de radoub, non contre d'autres navires, mais contre des chars et des fantassins. Le soleil est maintenant tout à fait levé. La journée du 18 juin 1940 commence à Saint-Nazaire. Les chantiers navals sont dominés par le drapeau tricolore qui flotte sur la plus haute tourelle du «Jean Bart». Outre les marins à leur poste sur le pont, les installations sont protégées par quatre blockhaus. Les militaires ayant disparu, ce sont également des hommes du «Jean Bart» qui les défendent. A l'intérieur du navire, les ouvriers travaillent de toutes les forces dont ils sont capables. Conformément aux dispositions de sabordage, les postes ont été doublés. Derrière chaque homme qui travaille, un autre se tient prêt, avec une masse. Sur ordre de Ronarc'h, les installations vitales du cuirassé peuvent être détruites en quelques minutes. Pour l'instant, on n'en est pas encore là. Les préparatifs de départ se déroulent comme si de rien n'était. Les trois plus puissants remorqueurs du port, «le Minotaure», «le Titan» et «l'Ursus», ont pris place dans le chenal. Ils repèrent les lieux de leur mieux, sachant que la manœuvre qu'ils vont devoir effectuer cette nuit, sans visibilité ou presque, est à la limite de l'impossible. (à suivre...)