L'histoire a pour particularité de commencer... en 1296. Cette année-là, Edouard Ier d'Angleterre, dit le Confesseur, opère un raid dévastateur contre les Ecossais et s'empare de la Pierre du Couronnement, un socle cubique remontant à des temps immémoriaux, sur laquelle les rois du pays se font sacrer et qui est le symbole de leur souveraineté. Les Ecossais ne tardent pas à prendre une éclatante revanche. Dix-huit ans plus tard, en 1314, ils écrasent les Anglais à la bataille de Bannockburn. Dans le traité de paix qui s'ensuit figure en bonne place la restitution de la Pierre du Couronnement. Mais jamais la clause ne sera respectée. Au contraire, la Pierre sera incorporée au trône sur lequel les rois d'Angleterre se font eux-mêmes sacrer, ce qui est affirmé brutalement et définitivement la servitude de l'Ecosse. Et cela, six siècles et demis après, en 1950, il y a des Ecossais qui ne l'admettent toujours pas ! En particulier, Ian Hamilton, jeune étudiant à l'université de Glasgow. Le nationalisme écossais est en recrudescence après la Seconde Guerre mondiale et ils sont plusieurs jeunes gens idéalistes comme lui à vouloir, non pas l'indépendance, mais une certaine autonomie et davantage de considération au sein du Royaume-Uni. Leur mouvement est confus, un peu timide, il n'est guère pris au sérieux. Pour lui donner du retentissement, il faudrait réaliser une action d'éclat. Et c'est ainsi que, peu à peu, l'idée s'impose à Ian Hamilton : il va voler la Pierre du Couronnement, qui se trouve dans l'abbaye de Westminster, à Londres, et la rapporter en Ecosse. Six siècles et demi plus tard, il va venger l'affront fait aux siens par Edouard le Confesseur ! Pour cela, en étudiant consciencieux, Ian Hamilton commence par se rendre à la bibliothèque principale de Glasgow où il lit tout ce qu'il peut trouver sur la question. Ensuite, comme il n'a pas le sou, il va expliquer son projet à un homme politique qu'il a toujours admiré, Robert Gray, ardent nationaliste, conseiller municipal de Glasgow, qui est aussi un homme d'affaires important. Ce dernier est tout de suite conquis par la fougue du jeune homme et il adhère sans restriction à son projet. Il lui donne soixante-dix livres, une somme relativement importante à l'époque. C'est ainsi que, un jour de novembre 1950, Ian Hamilton se lance dans une aventure rocambolesque, dont on va parler dans toute l'Angleterre et même au-delà ! Son premier soin est d'aller faire une reconnaissance sur place. Il éprouve un délicieux frisson en débarquant à Londres, non pas en touriste, mais en conspirateur. Il se mêle à un petit groupe de gens qui visitent l'abbaye de Westminster et il ne tarde pas à se trouver, non sans émotion, en face de la fameuse Pierre. Elle est encastrée dans une ouverture en forme de boîte, pratiquée sous le trône du couronnement, placé dans la chapelle d'Edouard le Confesseur. C'est un bloc de grès grossièrement taillé de manière cubique, d'environ quarante centimètres de large sur soixante-dix de long. Ian Hamilton sait, pour l'avoir lu dans des livres, qu'elle pèse près de deux cents kilos. Deux courtes chaînes fixées à chacun de ses côtés servent à la déplacer. Le jeune étudiant note soigneusement tous ces détails dans sa mémoire. Il parvient aussi à faire parler l'un des gardiens. – C'est étonnant la propreté qu'il y a dans l'abbaye ! Il doit y avoir toute une armée de nettoyeurs qui viennent dès qu'on ferme les portes. — Pensez donc ! Il n'y a que le veilleur de nuit. Il n'y a donc qu'un seul veilleur de nuit et pas de service d'entretien : c'est muni de ces deux informations encourageantes que Ian Hamilton rentre à Glasgow. Il va pouvoir maintenant passer à la deuxième étape de son projet : la constitution de son équipe. (à suivre...)