En cette fin de l'année 1941, la guerre bat son plein en Méditerranée. Les Anglais d'un côté, les Allemands et les Italiens de l'autre, s'affrontent avec acharnement en Libye. Curieusement, la marine anglaise, qui est généralement sans rivale, se trouve alors en difficulté. Les sous-marins allemands la tiennent en échec et l'Amirauté britannique ne dispose dans la région que de deux bâtiments, les cuirassés «Valiant» et «Queen Elizabeth», tous deux ancrés dans le port d'Alexandrie. S'ils venaient à être détruits, la voie serait libre pour les Italo-Allemands et la situation pourrait changer considérablement. Seulement voilà : le port d'Alexandrie est protégé par des défenses infranchissables. Plusieurs filets auxquels sont mêlés des câbles électriques en interdisent l'entrée. Ils ne s'ouvrent que devant les navires amis, à l'audition d'un mot code transmis par radio et ils se ferment tout de suite après. La seule manière de pénétrer dans la rade serait de le faire pendant le court moment où le passage est ouvert et aucun sous-marin n'en est capable : ils sont beaucoup trop gros et se feraient tout de suite repérer. Les Anglais se sentent donc parfaitement en sécurité. Ce qu'ils ignorent, c'est que les Italiens, sont très avancés dans un domaine tout à fait nouveau : le scaphandre autonome. Jusque-là, les scaphandriers sont équipés d'un costume étanche avec des semelles de plomb et un casque métallique vissé sur la tête. Ils sont reliés à une embarcation par un tuyau qui leur envoie de l'air pompé manuellement. L'ensemble est à la fois peu maniable et limité dans son rayon d'action. Le scaphandre-autonome, celui que nous connaissons actuellement, avec bouteilles, masque et palmes, apporte une véritable révolution par rapport au précédent. Le plongeur, beaucoup plus légèrement équipé, est capable de performances bien meilleures et surtout, il n'est plus dépendant de la surface ; il peut aller aussi loin qu'il veut, jusqu'à épuisement de son air comprimé. Dans le plus grand secret, les Italiens ont constitué des équipes de nageurs munis du nouveau scaphandre et ont mis au point une arme nouvelle, qu'ils ont baptisée le «cochon». Elle ne ressemble d'ailleurs nullement à l'animal. C'est une sorte de grosse torpille, avec deux sièges sur lesquels prend place l'équipage le pilote et son second. Comme dans une torpille classique, l'avant du cochon est constitué par une charge explosive. Seulement, celle-ci peut se détacher et être placée, par un système de ventouses, contre la coque du navire ennemi. Telle est l'arme avec laquelle les Italiens vont attaquer le port d'Alexandrie. 18 décembre 1941. Un commando de six plongeurs, placé sous le commandement du lieutenant de vaisseau Luigi Durand de la Penne, va passer à l'action, à bord de trois cochons. Tous sont des hommes d'élite, tous sont volontaires pour cette mission, qui est un véritable saut dans l'inconnu. Jamais on n'en a réalisé de semblable auparavant. Personne ne peut dire ce qui va se passer. Il fait nuit noire, une nuit sans lune. A quelque distance du port d'Alexandrie, le sous-marin «Scirè», commandé par Valerio Borghese, fait surface. Dans le plus grand silence, les trois engins en forme de torpille sont apportés sur le pont, puis mis à l'eau. Les six hommes du commando arrivent à leur tour, avec leur combinaison noire, leur masque, leurs palmes et leurs bouteilles. Aujourd'hui cette vision nous est familière, mais à l'époque c'est un spectacle inédit. L'équipage du «Scirè» regarde passer Luigi Durand de la Penne et ses hommes avec stupeur, persuadé qu'il va se passer quelque chose d'extraordinaire. Il ne se trompe pas. (à suivre...)