Pendant qu'Américains et Européens se déchaînent contre les grands patrons, leurs jets privés et leurs primes faramineuses, les P-DG japonais, austères, contrits et dont certains n'hésitent pas à travailler gratuitement pour combattre la crise, échappent à la colère populaire. De nombreux patrons japonais prenant acte des lourdes pertes de leur groupe, ont renoncé à leurs fauteuils. D'autres – au moins 200, selon un décompte du quotidien Nikkei auprès des seules sociétés cotées en Bourse – ont spontanément amputé leur salaire, parfois de 50%, montrant l'exemple à leur personnel appelé à des sacrifices. Le P-DG du fabricant de semi-conducteurs Elpida Memory a même renoncé à toute rémunération pendant deux mois, puis a promis de ne toucher que la moitié de son salaire jusqu'à ce que sa société revienne aux bénéfices. Ce comportement de moine-soldat n'est pas un cas isolé. Chez Toyota, quelque 2 200 directeurs se sont engagés à acheter une voiture produite par la firme afin de contribuer au redressement des ventes. Du chef suprême au simple commis, tous les salariés du groupe sont, par ailleurs, soumis aux mêmes mesures d'économies draconiennes, qui vont jusqu'au contrôle du nombre de crayons utilisés par chacun et au débranchement des essuie-mains électriques dans les WC. Le P-DG de Japan Airlines, première compagnie aérienne d'Asie, gagne moins que ses pilotes, se rend à son travail en autobus et déjeune au self-service avec le petit personnel.