Conception n Ce plasticien offre au toucher visuel, l'instant d'une exposition, une trentaine de tableaux, tous placés sous le générique «laboratoire». L'exposition, qui se tient à l'hôtel El-Aurassi jusqu'à la fin du mois, raconte, en particulier, une manière d'approcher l'art. Ce n'est donc pas le contenu qui interpelle à première vue le regard, mais surtout la façon dont ce contenu, à savoir la matière qui le compose et la texture qui le revêt, est rendu visible et accrocheur sur le plan technique. L'on parle de technicité de création plutôt que de représentation picturale. À partir d'un rêve ou d'un songe, d'une impression ou d'une sensation, d'un vécu ou d'une expérience physique ou onirique, d'une histoire sociale ou individuelle, l'artiste projette sur la surface du tableau des images mêlant onirisme et réalisme. D'où d'ailleurs le nom de l'exposition : «Laboratoire». Ainsi, Sadek Rahim expérimente un imaginaire et une sensibilité, développe un concept et une démarche artistique qui relève, a priori, d'une expression contemporaine. «Je voulais que la technique prime», dit l'artiste. Ainsi, Sadek Rahim fait principalement valoir le côté technique de sa démarche artistique et de son processus de création. Il a opté pour la mise en évidence des techniques artistiques qui, d'ailleurs, priment sur le sujet. Les sujets abordés sont prétexte à la technique. Ses créations sont conçues, notamment, avec des morceaux de tissu. Elles mettent en relief une silhouette de femme portant un haïk multicolore. Sur ce, il explique : «J'ai voulu sortir du carcan des supports classiques comme la peinture sur toile ou l'acrylique». Et de préciser : «J'ai créé de petites histoires imaginées, et ce, pour me donner à fond dans les techniques.» L'artiste transpose dans ses tableaux des formes architecturales et des signes ancestraux. Cela rend d'emblée sa création personnelle. S'exprimant sur le choix d'un pareil registre de formes et de signes, l'artiste dit : «C'est juste un clin d'œil aux motifs du terroir très présent dans de nombreux objets familiers tels que les tapis, les poteries et les bijoux.» C'est de l'art contemporain qu'il présente au public, de l'art à la fois senti et réfléchi, un art théorisé. Sadek Rahim a envisagé et pensé l'art, le sien, tel qu'il le ressent et le conçoit. Son imaginaire évoque et convoque la femme, le rêve, l'environnement, mais reprend aussi des objets usuels d'antan comme le couffin en raphia ou le traditionnel banc en bois. Sadek Rahim accorde, en outre, dans son travail de création, de l'intérêt au graphisme et à la composition. Tout comme il s'intéresse aux portraits des personnages, ils sont réalisés selon une vision moderne du point de vue composition. «Laisser le public libre dans son interprétation» l Ce qui suscite encore la curiosité de l'observateur, c'est que, d'une part, l'exposition n'a pas de thème déterminé et, d'autre part, les tableaux imaginés et conçus sont sans titres. «Il n'y a pas de thème global», dit-il. Et d'ajouter : «C'est un vécu personnel auquel tout le monde peut s'identifier.» Cela revient à dire que le public est libre d'interpréter les tableaux à sa manière, selon ses perceptions et ses sensations, selon sa propre approche. Tout est dans le rapport que le public entretient avec l'art, et cela soit d'un simple regard, soit d'une profonde émotivité. C'est une lecture libre et individuelle à laquelle peut se livrer tout visiteur – ou amateur d'art. «Je n'aime pas donner de titre à mes tableaux pour laisser le public libre dans son interprétation, interprétation qui dépend de sa personnalité, ses goûts, son humeur et son imagination», dit-il. Sadek Rahim est né en 1971 et vit à Oran. Il a obtenu, à Beyrouth, en 1995 un diplôme d'études approfondies en arts plastiques et a décroché à Londres un mastère en installation à l'université des Arts London de Saint Martins Collège of Art. Il prépare actuellement une installation dans le cadre de la 2e édition du festival culturel panafricain. Il prépare également trois autres expositions : deux à Paris et une à Dubaï.