Confidences n Des employés de l'entreprise publique de distribution des médicaments (Digromed) ont bien voulu raconter leur calvaire durant les neuf mois qu'ils ont passés sans salaire. La tristesse, l'anxiété, le désespoir, la détresse… ce sont les seuls signes qu'on peut lire sur les visages de ces travailleurs. Même le versement de leurs arriérés de salaires n'a pas été en mesure d'apaiser leurs esprits, tant les sommes qu'ils ont perçues suffisent à peine à payer leurs dettes accumulées depuis le mois de juin 2008. Certains ne comprennent pas comment ils ont survécu. «C'est miraculeux. Nous sommes quand même toujours vivants», affirment, d'emblée, deux employés qui ont travaillé pendant plus d'une quinzaine d'années dans cette entreprise. «Mais de quelle manière avons-nous survécu ? Il est difficile d'être responsable d'une famille et ne pas avoir le moindre sou en poche. Croyez-moi, j'ai honte de rentrer à la maison le soir. Le triste regard de mes enfants est synonyme d'un coup de poignard…», raconte, la mine sombre, Makhlouf, appelons-le ainsi puisque, à l'instar de ses collègues, a émis le vœu de s'exprimer sous le couvert de l'anonymat. Le ramadan, connu chez nous pour être un mois de grandes dépenses, a trouvé ces salariés dans le dénuement. «Echorba ouel khobz, hadha maklina (de la chorba et du pain c'est tout ce que nous avons mangé)», disent-ils. Ils ne pouvaient, bien évidemment, pas se permettre autre chose. «Et tout cela, grâce à des âmes charitables. Sinon… nous aurions crevé de faim», précise, dépité, un employé, la cinquantaine, père de huit enfants. «Les commerçants m'accordaient des crédits au début, mais avec le temps, ils se sont excusés de ne pouvoir continuer à me soutenir. C'était la misère. Le commerçant me donnait du pain et parfois non…», ajoute-t-il dans un récit on ne peut plus émouvant. Le génie des responsables n'a pas été en mesure d'imaginer l'ampleur de toute cette privation qui a, pourtant, trop duré ! Deux autres travailleurs affirment que les propriétaires des restaurants sis en face de l'entreprise leur en interdisaient l'accès. «Ils savaient que nous n'avions pas de quoi payer les repas. C'était de la pure humiliation», regrettent-ils. La dignité et l'amour-propre ont subi un coup dur. «Je ne vous cache pas. j'ai été contraint de faire la manche… la mendicité pure et simple», confie un employé de la même entreprise, père de famille. Ses vêtements maculés et déchirés, sa mine défaite, son front ridé… renseignent sur l'ampleur de la détresse vécue neuf mois durant. En somme, c'est grâce aux dons d'âmes charitables que des centaines d'employés ont pu faire face aux multiples dépenses. Ils ont vécu avec le strict minimum. L'argent qu'ils viennent de percevoir ne leur appartient plus. Ils ont à payer leurs dettes. Et si un autre problème de paiement se pose, ils seront, encore une fois, exposés à la… mendicité ! Les préjudices causés par le retard du versement des salaires sont ressentis à plus d'un titre. Les responsables concernés doivent en prendre conscience.