Misère n Des centaines de travailleurs d'entreprises publiques n'ont pas perçu leurs salaires pendant neuf mois. En février dernier, ils ont été enfin payés. Une série de mouvements de protestation, et même des grèves de la faim, ont été organisées durant cette période par les employés qui ont appelé les autorités concernées à leur verser leur dû. Leurs cris de détresse n'ont pas trouvé un écho favorable. Un travailleur n'a, bien évidemment, pas les moyens d'obliger son employeur à lui verser son salaire, surtout lorsqu'il s'agit d'une entreprise étatique. La grève est un droit, une manière d'exprimer son ras-le-bol, mais pour ces employés, dont le nombre global dépasse les 20 000, aucune suite n'a été donnée à leurs doléances. Les pouvoirs publics n'ont répondu aux cris de ces malheureux travailleurs qu'en avril dernier. Approche de l'élection présidentielle d'avril 2009 oblige. L'annonce du versement des arriérés de salaires n'a pas surpris les concernés qui pensaient que leur galère serait utilisée à des fins politiciennes. «On nous a laissés crever pendant neuf mois. Personne ne se souciait de notre calvaire durant toute cette longue période. Mais nous étions quasi certains que le pouvoir et son syndicat (Ugta) allaient annoncer le versement de nos salaires dès que le président Bouteflika se porterait candidat à l'échéance électorale d'avril prochain», affirment des employés de la société de distribution de médicaments (Digromed). Ce qui était longtemps et désespérément attendu est arrivé. Le 15 février dernier, soit trois jours seulement après l'annonce officielle du président Abdelaziz Bouteflika de se porter candidat à l'élection présidentielle, le ministre du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale, Tayeb Louh, a déclaré, à l'occasion d'une visite de travail dans la wilaya de Tizi Ouzou, que l'Etat avait mobilisé une enveloppe de 1,6 milliard de dinars pour le versement des arriérés de salaires de 21 288 travailleurs exerçant dans des Entreprises publiques économiques (EPE). Cette mesure, a-t-il tenu à préciser –une précision de taille en cette période politiquement sensible–, a été prise «en application des orientations du président de la République relatives à la régularisation des dus salariaux pour lesquels un montant global de 24,4 milliards de dinars a été dégagé». La plupart des employés interrogés affirment qu'ils ont bien compris les motifs qui ont poussé les pouvoirs publics à régulariser leur situation, mais souhaitent de ne pas revivre le même calvaire après le 9 avril. Une série de questions s'impose : comment ces centaines d'employés, avec des familles à charge, ont-ils pu survivre durant toute cette période ? Comment ont-ils subvenu à leurs besoins les plus élémentaires, durant le ramadan, l'Aïd el-Fitr, la rentrée scolaire, l'Aïd el-Adha… ? Laissons-les évoquer, eux-mêmes, le calvaire qu'ils ont vécu.