Problématique n Près d'une vingtaine d'années après la dissolution des entreprises de l'audiovisuel, l'on continue de parler de l'agonie du cinéma algérien. Il y a quelques années, le cinéma algérien, en l'absence de structures ou d'institutions et surtout de financements favorables à la pratique cinématographique, s'est réinventé sous d'autres cieux. Aujourd'hui, l'on ne parle de cinéma algérien qu'en termes de coproduction avec des partenaires étrangers, notamment des producteurs français. Et même si l'on s'enorgueillit du succès de quelques films, tels que Mascarades de Lyes Salem ou La Maison jaune de Amor Hakkar, et des distinctions remportées dans les festivals internationaux, la réalité est évidente. Elle demeure identique et inchangeable : il n'y a plus de cinéma authentiquement algérien. La question : de quelle manière est-il possible de relancer l'exercice cinématographique, de l'inscrire dans la durée et faire de lui un secteur rentable ? Les uns estiment d'emblée la nécessité d'entériner le projet de loi sur le cinéma et l'audiovisuel qui, depuis quelques années, reste à l'état d'écrit, donc théorique, tandis que les autres voient, dans la renaissance du secteur, l'impératif de mettre – ou de relancer – les entreprises chargées des métiers du cinéma. D'autres militent pour la réouverture des salles de cinéma. Rares sont ceux qui posent la problématique du public, à savoir qu'il faut commencer, avant de s'investir dans les grands projets et de déployer les grands moyens, par réhabituer le public à fréquenter les quelques salles de cinéma que dispose le parc national. C'est vrai qu'il faut réhabiliter les salles de cinéma et les rouvrir au public en lui proposant des projections dignes, mais un travail de sensibilisation en direction du public pour le 7e art s'impose. A quoi bon produire des films, alors qu'il n'y a pas assez de salles pour les diffuser ? A quoi bon avoir autant de salles, alors qu'il n'y a pas le public, sachant que c'est le public qui fait le cinéma ? D'où la problématique : par quoi faut-il passer pour relancer le cinéma ? par l'exercice en lui-même ou d'abord par la réhabilitation des salles de cinéma et par la construction d'autres, ou bien commencer par réhabituer le public à se familiariser avec le 7e art et à fréquenter en conséquence les salles de cinéma ? «Nous avons huit salles. Pourquoi ne sont-elles pas ouvertes dès dix heures jusqu'à minuit ?», dira Mohamed Faci, distributeur de films et à la tête de Kinomax. «Faisons-les tourner à plein régime», poursuit-il. Et de renchérir : «Elles peuvent constituer un gisement de capacités pour le futur. Réhabilitons d'autres salles, mais avec une part conséquente de l'investissement privé et pas seulement avec de l'argent public. L'Office national des droits d'auteur (ONDA) doit revoir sa façon de délivrer les vignettes pour les films en DVD ; il ne sera plus complice de la piraterie. Il sera plus efficace dans le combat contre ce fléau. Le public viendra dans des cinémas propres, bien fréquentés, accueillants et modernes.» Cela revient à dire au final qu'un bon et beau film, mais surtout qu'une salle confortable, accueillante et moderne, proposant des projections selon les normes internationales, peuvent susciter un intérêt réel du public pour le cinéma. *Lire, demain, notre entretien sur le sujet avec Mohamed Faci l En l'absence en Algérie d'un étendu et efficace réseau de salles de cinéma, la distribution des films reste aléatoire. Cela rend la diffusion du produit cinématographique difficile et quelquefois complexe. Acquérir un film étranger et le ramener en Algérie pour le diffuser relèvent d'un réel défi – en fait, c'est un pari risqué sur le plan financier. Un coup de dé. Car, d'une part, l'acquisition demande un lourd investissement, et, d'autre part, il faut s'assurer que le film marche en marquant des entrées substantielles pour investir, sur la base des recettes collectées, dans d'autres films. Il y a, en Algérie, quatre distributeurs de films, à savoir Kinomax, MD Cinéma, Cirta Film et Sora Production ; et en dépit de l'effort de tous de faire revivre le 7e art et, du coup, de rendre les quelques salles de cinéma massivement fréquentables, la tâche leur est rendue ardue et décourageante tant la gestion des salles restent précaires – nos salles ne sont pas gérées par des personnes réellement motivées par la relance du cinéma. Il y a un manque effarant de professionnalisme et de conscience professionnelle