Portrait Latifa est la benjamine d?une famille nombreuse et modeste. Son père Saïd, employé communal à la retraite, ne réussit que très difficilement à joindre les deux bouts. C?est une jeune fille très sage, effacée, et d?une grande douceur. Le mauvais sort, qui semble s?acharner sur cette famille sans histoire, a fait de la mère une grande malade, presque toujours alitée, avec des problèmes cardiaques. Les deux s?urs aînées de Latifa, illettrées mais bonnes ménagères, désespérées de trouver un mari à l?approche de la cinquantaine, se sont rabattues sur la bonne tenue de l?appartement familial, récurant, nettoyant, astiquant à longueur de journée. Mais c?est Karim, le frère cadet de la famille, âgé de 34 ans qui trouble la tranquillité de cette famille repliée sur elle-même, cachant sa misère à son voisinage, car elle habite un immeuble occupé par des gens aisés et qui n?hésitent pas à le montrer. Karim, sans emploi, sans diplôme, et qui fait le désespoir de son père, passe ses journées entre la cave de l?immeuble où il échange ses joints avec ses rares amis, et la terrasse où, allongé à l?ombre d?une cheminée, il rumine ses problèmes et élabore ses plans qui consistent à voler ses voisins, à agresser les plus faibles, et à s?en prendre aux personne âgées dans l?obscurité de la cage d?escalier. Mais c?est surtout contre ses s?urs que sa hargne se retourne, et ces dernières vivent un véritable calvaire. Dès qu?il pousse la porte d?entrée, elle deviennent silencieuses et serviles se transformant en véritables esclaves, servant leur frère en premier avant même leur père, lavant et repassant son linge avec un grand soin, car le chômeur est très méticuleux. Les travaux ménagers sont partagés entre les trois s?urs, l?aînée, Kheira, s?occupe des courses et de la lessive, Zakia fait le ménage, et Latifa est chargée de la préparation des repas, un travail relativement léger que ses s?urs lui abandonnent, quand cette dernière s?aperçoit qu?elle est diabétique. Les années passent sans changements pour la famille, si ce n?est que Saïd meurt, un beau matin, en pleine prière du fedjr, rendant sa femme encore plus malade, seule à affronter les multiples problèmes familiaux de la misère associés à ceux de Karim avec les voisins. Parfois, quand ce dernier est absent, Latifa se permet, la peur au ventre, de faire des petites balades le long du boulevard qui longe son quartier, marchant d?un pas lent, maquillée comme pour une fête, car elle prend toujours un grand soin de sa personne, ses longs cheveux lâchés dans le dos, noirs comme la nuit. C?est la pharmacienne qui remarque sa douceur et sa gentillesse, et qui lui propose un travail. ? Ma mère est alitée, diabétique elle aussi, et j?ai besoin d?une jeune femme pour s?occuper d?elle? Elle est complètement dépendante? mais c?est une femme très gentille? Latifa saisit la proposition au vol. ? Je pourrai m?occuper d?elle, je la soignerai comme si elle était ma propre mère. L?autre hésite un peu. ? Mais, tu es sûre, Latifa, d?avoir assez de force ? Tu es malade toi-même. ? Mais non ! Je fais tout à la maison, et je suis mon régime et mon traitement, je suis en pleine forme ! (à suivre...)