InfoSoir : Pourquoi ce succès des boissons énergisantes ? Le Dr Djamel Eddine Oulmane : Ces boissons dites «énergisantes» sont un phénomène qui prend de l'ampleur dans notre pays. Les jeunes y ont recours pour veiller afin d'effectuer leurs révisions et les soirées entre amis ou encore pour augmenter la concentration en période d'examens. Déjà les noms des marques de ces boissons relèvent du marketing. Il y a un peu de virilité et d'agressivité qui a tendance à attirer beaucoup de jeunes qui cherchent à sortir du moule de la société et créer la différence pour essayer d'affirmer leur singularité. Quel est leur effet sur l'organisme ? Elles permettraient au consommateur, d'après leur fabricant, d'aller jusqu'au bout de ses forces, augmenter l'endurance physique et favoriser l'élimination des toxines. Des expériences faites aux Etats-unis sur des souris et des rats ont démontré de l'agressivité et l'augmentation du rythme cardiaque. A ce rythme, on risque de se retrouver avec des adultes de 30 ans qui souffriraient de gros problèmes de santé... Nous savons qu'elles comptent des produits qui, d'après des expériences sur des souris, posent problème. Mais on ne connaît pas encore son impact sur le corps humain à long terme. Nous disons, par mesure de précaution, n'exposons pas au danger le corps d'un jeune encore en pleine croissance Un jeune âgé aujourd'hui de 25 ans et qui consomme cette boisson, comment vont être ses reins à 25 ans ? Il ne faut pas attendre comme on l'a fait pour la cigarette ou l'amiante qui ont été des thèmes d'alerte il y a 50 ans. Une étude menée en 2007 par des scientifiques américains tend à prouver que ces boissons augmenteraient significativement le rythme cardiaque et la tension artérielle. Et il n'est pas du tout indiqué de donner à un adolescent un produit qui augmenterait sa tension et son rythme cardiaque. Qu'en est-il de leur prix ? C'est une arnaque économique. C'est une boisson qui revient très chère. Pour le prix d'une canette, vous pouvez vous payer un petit repas très riche en protéines et en vitamines nécessaires pour le bon fonctionnement du corps. On débourse près de 160 DA pour une canette qui contient en réalité, l'équivalent nutritionnel d'un mélange d'à-peu près 4 DA de viande, 3 DA de lait, 3 DA de jus de citron, 3 DA de sucre et 30 DA de café. Soit un total de près de 43 DA. Ce qui signifie qu'on vous vend un produit 4 fois plus que son prix réel. J'estime que c'est grave que les médias fassent de la publicité pour ces boissons. Que devrait-on faire chez nous ? La consommation chez nous n'est pas aussi importante qu'en Europe ou aux USA à cause à la petite barrière financière. Mais, puisque le phénomène commence à faire tache d'huile, il faut faire le point avec les parents et sensibiliser les jeunes. L'Etat doit prendre en charge dès maintenant ce problème car cela devient un modèle de vie et ça commence à se démocratiser. Par mesure de sécurité, il ne faut pas mettre ces boissons en vente libre n'importe où. Red Bull, par exemple, a déjà été interdite en France pendant de nombreuses années pour sa contenance en taurine et glucorono-lactone. Mais l'interdiction a été levée en 2008 sur injonction de l'union européenne. Mais sa mise sur le marché est très encadrée. Sont-elles utiles à la veille des examens ? C'est un leurre. Il faut savoir qu'une seule canette peut contenir l'équivalent de 3 tasses de café. Beaucoup de jeunes qui prennent de la caféine pour rester éveillés ou pour se défoncer, se retrouvent aux urgences, selon un chercheur de l'université de Northwest (USA) qui a mené une étude sur la caféine,qu'on ne doit pas se faire avoir, car c'est une arnaque commerciale. On vous vend un logo, un emballage. La plupart de nos fabricants de boissons commencent à améliorer leurs produits en y ajoutant des vitamines. L'idéal aussi, en fonction des bourses, c'est de prendre des fruits, des laitages et des viandes pour un jeune. L'humanité, depuis la préhistoire, s'est nourrie d'aliments naturels qui se sont développés au fil du temps. On a bien mené des batailles et fait des inventions sans Red Bull ou toute autre boisson énergisante. *Président de l'association d'éducation et de prévention Primage