Résumé de la 64e partie n Comme les dernières analyses contredisent les expertises précédentes, on fait venir de Paris, Orfila, le grand toxicologue de l'époque pour trancher. C'est dans l'après-midi du 14 septembre qu'Orfila monte à la barre pour faire son rapport. La salle est comble et, les juges, tout comme les journalistes, attendent avec impatience la lecture de l'éminent savant. Orfila commence par rappeler dans quelles conditions les analyses ont été faites : présence des experts qui ont réalisé les autopsies, utilisation de matériel et de produits locaux. Autrement dit, pas de possibilité de tricherie, et tous les experts ont contresigné le rapport, avec lui. «Nous venons, déclare-t-il, rendre compte au tribunal de nos travaux. J'ai l'intention de prouver : primo, que le corps de Charles Lafarge contient de l'arsenic ; secundo, que cet arsenic ne provient pas des agents chimiques que nous avons utilisés, ni de la terre qui entoure le cercueil et tertio, que le poison que nous avons décelé ne fait pas partie des éléments naturels du corps humain.» C'est la surprise générale, mais il n'y a pas de réaction violente, sans doute par respect pour le savant. Me Paillet est atterré : il ne pensait pas qu'Orfila, qui, jusque-là, avait appuyé ses arguments pour défendre Marie Lafarge, le lâche ! Il va écouter l'exposé du chimiste qui explique l'utilisation de l'appareil de Marsh ; la formation de cristaux jaunâtres preuve de la présence d'arsenic. Quant à l'analyse de la terre du cimetière, elle est négative. On ne peut donc retenir que l'arsenic se soit infiltré dans le corps. Comment expliquer que les premières analyses faites avec l'appareil de Marsh n'aient pas décelé d'arsenic ? «L'utilisation de l'appareil est très délicate. Les analyses menées par des hommes sans expérience a conduit à des erreurs !» Le président du tribunal ne pose qu'une question au chimiste : — Selon vous, la quantité d'arsenic était-elle suffisante pour admettre l'éventualité d'un crime par empoisonnement ? — Pour voir clair dans cette affaire, répond Orfila, il nous faut tenir compte des circonstances qui ont accompagné les événements du Glandier, à savoir les symptômes de la maladie, les achats du poison, la présence de l'arsenic dans les boissons. Vous trouverez alors facilement la réponse à cette question !» Orfila se retire, laissant le public dans la satisfaction. Me Paillet, sans doute convaincu maintenant de la culpabilité de sa cliente, renonce à demander un autre expert. Mais un autre avocat, Lachaud, tombé amoureux de Marie, écrit à François Raspail, un autre éminent chimiste, de venir à Tulle. Adversaire d'Orfila, il fera le déplacement, mais arrivera trop tard, le verdict ayant été rendu. Le jury a, en effet, reconnu Marie Lafarge de crime et l'a condamnée aux travaux forcés. La peine sera commuée en détention à perpétuité. Marie Lafarge proclamera toujours son innocence. Elle écrira ses mémoires, mais dix années après, elle meurt de phtisie, un mal redoutable à l'époque. (à suivre...)