Vocation n On est commerçant à Mostaganem par tradition de père en fils, en ville comme dans la banlieue. «Cabiste» de Aïn Sidi Cherif, hittiste de Debdaba, qu'importe le nom qu'on donnera à tous les jeunes mostaganémois sans emploi, mais la plupart des problèmes que rencontre leur ville d'adoption tournent pratiquement autour du même axe central : le commerce informel. L'activité encombre mais rend bien des services. Tous les jeunes en âge de travailler ici – à l'exception de quelques privilégiés qui ont fait des études supérieures ou qui ont été pistonnés – n'ont pas un poste d'emploi. Et quand ils ont la chance d'en avoir un, il est précaire et révocable en fin de contrat. La formule des microcrédits éprouve beaucoup de difficultés à prendre en charge des projets pourtant bien ficelés, mais que la bureaucratie bancaire gèle ou rejette. Le slogan des 100 locaux commerciaux par commune a montré ses limites. Alors que leur reste-t-il en fin de compte pour vivre – et parfois même pour survivre – et construire leur vie, qu'ils soient «ouled el bled» ou qu'ils viennent d'ailleurs ? Pas grand-chose en réalité. Si ce n'est le choix entre émigrer clandestinement avec tous les risques que cela suppose ou travailler dans le commerce informel. C'est ce qu'ils font pratiquement tous. A défaut de mieux. D'autant que, dans les mosquées, les imams leur affirment, à juste titre d'ailleurs, que le commerce est «hallal». D'ailleurs, sur ce plan, Mostaganem peut être considérée comme une wilaya pilote en matière de pagaïe commerciale. En l'absence de statistiques fiables, nous pouvons avancer, sans risque d'erreur, que l'informel fait vivre directement et indirectement des milliers de familles. Et pour cause, il n'y a pratiquement pas de structures industrielles d'envergure capables d'éponger tous les déficits en matière d'emploi dans une ville dépassée par sa surpopulation. L'usine de pâte à papier que l'Etat a construite sur les bords de la plage de la Salamandre a été fermée pour des raisons de pollution et surtout de rentabilité. Des milliards de devises sont partis en fumée et des centaines de pères de familles ont été ainsi livrés à la rue. Mais cela est une autre histoire. Hormis quelques petites unités privées de transformation, comme la meunerie près du port ou une antenne de la Snta qui n'est autre que l'ancienne fabrique de cigarettes Job, il n'existe, pour ainsi dire, aucun débouché pour les jeunes dans cette partie du Dahra. Du reste, on est commerçant à Mostaganem par tradition de père en fils, en ville comme dans la banlieue. Dans certaines vieilles familles des faubourgs du Derb ou de Tigditt, des quartiers populaires par excellence, on fait du commerce depuis cinq, voire six générations. Forcément tous les chômeurs en quête d'emploi s'engouffrent dans le créneau avec l'énergie du désespoir quitte à bousculer la réglementation et à provoquer la colère des citadins. Reste… Aïn Sefra Indépendamment de tous ces souks de fortune installés un peu partout au centre et qui enlaidissent une ville connue pour son art et sa culture, un marché tout aussi informel et tout aussi sauvage, celui de Aïn Sefra, sous les Trois-Ponts, au cœur de la cité, devra, lui aussi, disparaître un jour. C'est vrai qu'il ne gêne pas la circulation dans la mesure où il s'en tient au strict trottoir, mais il créé un encombrement permanent pour les piétons. Le jour où tous ces marchands seront obligés de lever le camp, devra-t-on, là aussi, s'attendre à des émeutes ?