L'oralité ordinaire dans la ville d'Oran, par exemple, ne comporte actuellement que peu de proverbes ayant survécu aux mutations fulgurantes de la société et au vent de la «modernisation» technologique ô combien symbolisée par l'Internet, la télévision par satellite ou encore le téléphone mobile, qui ont favorisé l'émergence de bien étranges expressions, devenues courantes surtout parmi les plus jeunes. «Devant ce déferlement d'expressions nouvelles qui ont tout bousculé pour venir s'imposer dans le langage courant (à l'instar de "smir" ou "nech") et tenter de détruire la parole contée, les proverbes luttent toujours contre ce grand vacarme de mots pour rester propres et purs.» Ces paroles sont de quelqu'un qui sait de quoi il en retourne puisqu'il est chercheur en littérature populaire de l'université d'Es-Sénia d'Oran. Les proverbes, affluents de l'héritage populaire et «voix de la société», n'ont plus, à l'heure actuelle, aucun poids dans l'expression orale, puisqu'ils sont totalement négligés dans le monde, pourtant infini, de l'oralité et finiront fatalement par disparaître si rien n'est fait pour les sauver, pensent les spécialistes. C'est que l'usage commun de ces dictons populaires se limite aujourd'hui à quelques situations liées aux comportements individuels, surtout dans des situations de mésentente avec l'entourage immédiat comme dans les marchés, le voisinage ou à bord des moyens de transport en commun. Exemples d'expressions fréquemment utilisées pour désamorcer un conflit ou justifier un quelconque manquement : «Elli fet ala kelma, fet ala rouh», (littéralement : qui laisse passer un mot, préserve une vie), ou encore : «Koul otla fiha khir» (Tout retard est bénéfice). Ces proverbes du terroir, s'ils restent la fierté des plus âgés, sont presque inconnus chez les jeunes à tous les niveaux de la vie sociale et éducative, émerveillés qu'ils sont par les bienfaits supposés du «Web» et du «Bluetooth» ou bien des messages courts (SMS). Les rares proverbes encore en usage actuellement par les Oranais, proviennent en majorité du monde rural à la faveur du grand exode vers les villes durant les dernières décennies, pense un membre de l'Association des arts traditionnels qui attribue la disparition des proverbes du langage populaire courant à celle du conteur, le fameux «goual», qui fréquentait, jadis, les marchés.